L'Acadie l'Acadie ?!?

Eloge du Chiac

Canada / 1969 / 16mm / noir et blanc / 27 min

Réalisation et montage : Michel Brault

Une sympathique enseignante du collège francophone de Moncton, dans l'Est du Canada au Nouveau Brunswick, anime dans sa classe une discussion sur l'acadien que parlent la plupart de ses élèves, le chiac, un français de plus en plus envahi par les anglicismes. L'institutrice elle-même fait l'objet de quolibets au sein de sa famille lorsqu'elle parle de sa « sacoche » au lieu d'employer l'anglicisme « purse ».

Réalisé par Michel Brault alors qu'il entame avec Pierre Perrault le tournage de L'Acadie l'Acadie ? ! ? ce court métrage apporte un contrepoint instructif sur leur deux utilisations complémentaires des techniques du cinéma direct.

Lucides et réfléchis dans leurs débats sur le multilinguisme, les collégiens d'Eloge du Chiac n'ont que quelques années de moins que les étudiants grévistes de L'Acadie l'Acadie ? ! ? et pourtant, Michel Brault conclut sur leur affirmation ludique d'une minorité bien décidée à survivre : « Vive le chiac libre ! », tandis qu'une amertume assombrit le long métrage de Brault et de Perrault.

Modestement campé en-deçà du militantisme, Eloge du Chiac donne surtout à entendre une langue qui, si elle s'avoue menacée, se l'avoue en termes étonnamment vivants et savoureux.

L'Office national du film canadien, producteur d'une grande partie des films de Brault et de Perrault, n'a pas oublié ce film de 1969 : Marie Cadieux, réalisatrice de l'ONF et originaire de Moncton, achève en 2008 Eloge du chiac, part two.

L'Acadie l'Acadie ?!?

Canada / 1971 / 16mm / noir et blanc / 118 min

Réalisation : Michel Brault et Pierre Perrault

Après avoir évoqué le séparatisme québécois dans Un pays sans bon sens ! (1970), Pierre Perrault filme avec l'aide de Michel Brault à la caméra le « réveil acadien » du début des années 70 : au Nouveau Brunswick, province atlantique du Canada dont les habitants anciennement acadiens avaient été déportés par les Anglais avant d'y revenir, la minorité francophone est loin d'être négligeable, avoisinant les 40%. Pourtant, la domination linguistique de l'anglais recouvre des inégalités sociales criantes.

L'Acadie l'Acadie ? ! ? s'intéresse à un groupe d'étudiants de la seule université francophone du

Nouveau Brunswick, celle de Moncton, sous-équipée et sous-financée.

L'augmentation des frais de scolarité fonctionne en février 1968 comme le catalyseur d'une frustration culturelle et linguistique flagrante. Bientôt, les étudiants réclament au maire la reconnaissance officielle du bilinguisme - cruelle séquence en situation que cette requête, formulée obligatoirement en anglais au conseil municipal par les étudiants francophones !

En janvier 69, l'occupation du pavillon des sciences se solde par une expulsion policière, le renvoi d'enseignants et d'étudiants ainsi que l'embauche de policiers par l'université et la suppression de son département de sociologie.

Mais le mouvement déborde la durée du tournage et prend après et grâce au film, tronqué pour sa diffusion télévisée par la branche anglaise de l'ONF canadien, mais dont la première projection en janvier 1972 donnera lieu à une nouvelle manifestation qui aboutira à la fondation du parti Québécois.

Le style de Pierre Perrault, davantage axé sur la parole et le sujet (la révolte identitaire) et celui de l'opérateur Michel Brault, qui fait exister les étudiants Bernard, Blondine, Michel et Irène comme autant de personnages, se combinent ici pour livrer bien plus qu'un important document: l'enregistrement sur pellicule d'une naissance à la politique. Avec son titre en forme de question-exclamation emprunté aux hésitations d'Irène (« L'Acadie, l'Acadie c'est peut-être un détail! »), le film réussit à capter une prise de conscience tendue entre utopie acadienne et tentation de « crisser son camp au Québec ».