Jill Magid

Je rapproche les choses qui sont loin de mon corps.

Jill Magid, Statements (extrait)

Jill Magid vit et travaille à Brooklyn) est plasticienne et auteure de romans. Elle s’intéresse aux réseaux économiques et symboliques du pouvoir : comment il circule, s’exerce aujourd’hui, par qui, sous quelles formes. Ses projets abordent des systèmes d'autorité par définition aveugles ou impénétrables : vidéosurveillance, police, services secrets, Identité Judiciaire… A partir d’une observation minutieuse de leur mode de fonctionnement et des rapports qu’ils dessinent – impersonnels et verticaux, automatisés par la législation, le règlement ou la bureaucratie – elle engage avec eux, à rebours, un dialogue d’ordre intime. Sa méthode d’approche, nécessairement non conventionnelle, repose, entre autres, sur la séduction et une négociation constante. Avec les moyens de l’art (sa pratique embrasse l’écriture, la vidéo, l’installation, la performance), elle s’attache à rendre visibles les relations de pouvoir en jeu et à en interroger l’apparente intangibilité – voire, à les reconfigurer. Son objectif n’est pas de condamner ni de soustraire ces ensembles de règles et technologies au monde, mais de porter notre attention sur elles, de ralentir leur réception, de réinvestir leur langage, de créer un espace pour les dévisager. Au-delà d’un simple piratage, ce qui intéresse Jill Magid est de jouer avec les règles imposées, d’évaluer à l’intérieur des structures les positions disponibles et celles qui peuvent être créées. Est-il est possible d’infiltrer ces systèmes et d’imaginer, avec eux, à partir d’eux, de nouveaux types de relations ? Est-il possible de détourner leurs intentions initiales ? La forme des échanges et des objets qu’elle produit dépend sensiblement de ces ajustements permanents. Ses projets se déplient souvent dans le temps en plusieurs séquences ou chapitres, et les expositions sont un moyen pour elle d’actualiser leurs enjeux et leurs formes d’apparition – et de confronter les logiques du système en question à celles de leur présentation dans l’espace public.

Jill Magid, The Proposal, 2018 (83 minutes)

En 2013, elle découvre que les archives professionnelles de Luis Barragán, l’un des plus célèbres architectes mexicains (décédé en 1988), sont conservées depuis près de vingt ans dans un bunker inaccessible au public. Les archives, comme les droits sur les œuvres et le nom de Barragán, ont été achetés en 1995 par Rolf Fehlbaum, propriétaire et PDG de la société suisse Vitra. Il les aurait offerts à sa fiancée comme cadeau de mariage. Pendant trois ans, Magid va construire un projet tentaculaire dont The Proposal retrace l’histoire et la proposition finale : transformer les cendres de Barragán en diamant en échange du retour des archives au Mexique.

Projection en avant-première française du film (version originale sous-titrée en français), suivie d'un échange (en anglais) avec l’artiste