Cine / video
Regards critiques V
Autre chose ? Le cinéma dit-il « autre chose »? avec Carole Desbarats
10 may - 6 dic 2010
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« Le cinéma ne dit pas autrement les choses, il dit autre chose » écrivait Eric Rohmer. Cette intime conviction du cinéaste est la nôtre : parfois, le cinéma nous fait percevoir d'autres sensations, appréhender d'autres idées, découvrir des ailleurs que nous ne soupçonnions pas, autant dire qu'il nous incite à découvrir autre chose du monde, des hommes, de l'humain.
Cela tient en partie au fait que cet art nous propose des parcours sensibles dans lesquels image, son, montage, mouvement, durée intriqués sollicitent indifféremment intelligence, affectivité et sensualité, préparant ainsi la possible effraction de savoir, d'émotion, voire de questionnements, étroitement mêlés. Grâce aérienne d'un danseur, force communicative d'un engagement, monstruosité d'un humain, frémissement des feuilles dans les arbres, le cinéma nous rejoue et la comédie de l'ordinaire, et, à front renversé, l'extra-ordinaire du cinéma pyrotechnique. Ce faisant, il offre à notre curiosité aussi bien de petites conversations que des images de l'espace, imaginées avant même de correspondre à une réalité connue de l'homme.
Mieux, le cinéma invente chaque fois un spectateur, qui, encore aujourd'hui, lui emprunte gestes et façons de vivre, même lorsqu'il ne voit plus les films dans l'éphémère communauté des salles obscures.
Car, décidément, le cinéma n'est plus seul, circonscrit dans sa majesté. Plus que jamais impur, il s'échappe des grands écrans pour se retrouver sur des portables dans des trains, sur de minuscules écrans dans le métro, traversé qu'il est de nouvelles fictions, ces micro récits qui fleurissent sur Internet et façonnent lentement de nouveaux spectateurs.
Du coup, la question de cet autre chose que le cinéma apporterait se pose différemment et, certes, nous l'interrogerons lors de six séances thématiques, mais l'on se redit aussi que la pratique du cinéma est vraiment singulière, comme on ne se l'était pas formulé dans les décennies précédentes.
A cet égard, la comparaison avec la pratique internaute est éclairante : là où le web 2.0 sollicite un acte d'intervention effective, le cinéma propose à son spectateur de momentanément suspendre son pouvoir d'action sur le monde.
Il ne s'agit pas ici d'introduire une compétition entre deux postures mais bien plutôt de s'enrichir à affirmer qu'aujourd'hui, elles coexistent dans le même sujet.
L'interactivité nous incite à une participation horizontale qui fait naître les espoirs d'une démocratie presque saint simonienne. Soit. De l'autre côté, la servitude volontaire de qui se met provisoirement en retrait pour se confronter à la vision du monde d'un artiste exclut-elle pour autant la souveraineté ?
Carole Desbarats a appris à aimer le cinéma dans les salles de quartier de Casablanca, à mieux le connaître à la Cinémathèque de Toulouse; elle l'a enseigné à l'Université de Toulouse II (ESAV), puis a dirigé les études à La fémis, de 1996 à 2009. Elle accompagne l'aventure des Enfants de cinéma depuis les débuts, en coordonnant son groupe de réflexion. Elle a publié, avec J.-P. Gorce L'Effet Godard, un Pauline à la plage, a collaboré à un Atom Egoyan collectif ; pour l'Acor, elle a coordonné Violences du cinéma, Derrière la porte, Le plaisir des larmes. Depuis quelques années, elle collabore à la revue Esprit.
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