Exposición / Museo
Nature et écriture : Impressions du Limousin
11 abr - 21 may 2001
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La Bibliothèque publique d'information présente une quarantaine de livres d'artistes, quelques livres d'art, provenant des collections et des éditeurs du Limousin. Sont également présentés, deux films : "Cartographie" de Pierre Coulibeuf et "Le Potager ordinaire" de Jean-Paul Ruiz et du musicien Cédric Peyronnet.
La Bibliothèque publique d'information présente une quarantaine de livres d'artistes, quelques livres d'art, provenant des collections et des éditeurs du Limousin.
La tentation de définir le "livre d'artiste" relève de l'impossible et a déjà fait couler beaucoup d'encre. Ce terme en fait nomme différentes pratiques éditoriales qui mettent en jeu les désirs d'écrivains et de plasticiens visant à la fabrication d'un objet singulier. Ces livres échappent à tout système, se situent en marge et restent peu repérables. Mal divulgués, ils ne sont jamais suffisamment montrés.
Les thèmes qui reviennent le plus souvent sont ceux de la nature et de l'écriture. Curieusement ces deux thèmes sont traités de la même façon dans l'ensemble des ouvrages du Limousin. En effet la nature, très présente dans ce pays essentiellement rural, et le travail sur l'écriture, tradition régionale de longue date, sont à la fois source d'inspiration et argument plastique d'une même œuvre. L'espace naturel est transcrit dans ces livres, à travers le paysage sauvage, le paysage organisé par l'homme et la nature en tant que modèle reproduit par l'artiste, après détournement des aspects les plus secrets de la biologie végétale, révélés par la photographie scientifique.
Les livres des marcheurs-artistes comme Richard Long ou Hans Waanders traduisent l'espace naturel par des prises de notes, des croquis ou des photographies qu'ils ramènent de leurs excursions solitaires, de France et d'ailleurs. De même, les ouvrages d'Helen Douglas, Erica von Horn, Telfer Stoke et John Bevis semblent être des recueils poétiques de botanique, de géologie ou des répertoires drolatiques d'ornithologie comme An A-Z Bird Song, listant les chants identifiés d'oiseaux, en phonétique. Leur travail est plus analytique ou théorique que descriptif.
De son côté, Dominique Ruiz fait acte d'aménagement par ses travaux de jardinage et Jean-Paul Ruiz transforme le potager de son épouse en une sorte d'atelier en plein air. Les produits transmués deviennent modèles et matières de livres somptueux comme Fleurs de légumes. Jean-Paul Ruiz se sert des brocolis, carottes, navets, pois, petits pois et autres flageolets pour fabriquer, selon une alchimie très précise, des feuilles de papier sur lesquelles sont rédigés et illustrés des genres de traités de sciences naturelles. Le choix du légume, sa représentation, la couleur de la matière sont établis en fonction de la saison. Les livrets de Mois qui rendent compte du travail quotidien et des rêves de la jardinière sont des guides pour tous les amoureux des travaux des champs.
Marinette Cueco, elle, tresse des prairies et confectionne un herbier, Herbe rouge, main verte, avec tissages végétaux d'ivraie, de queues de cerises, et collages rehaussés d'aphorismes dorés, écrits par sa complice Marie-Odile Briot. Pierre Bergounioux, l'homme de lettres, se souvient dans L'Empreinte qu'il est né à Brive-la Gaillarde, en Corrèze, et les planches géologiques bistres dessinées par Henri Cueco l'attestent.
Mais les paysages redécouverts et les jardins sont aussi des lieux imaginaires, si la recherche agronomique n'est plus qu'un privilège de l'art : "Tout est affaire de vision. Et de patience", écrit Philippe Nys. Quelle vision construire à partir du réel ? Les photographies de fibres de bois prises au microscope et montrées dans Irréelle nature reproduite... Arbre, sont des tableaux abstraits dont la contemplation nous émeut, même s'ils participent du domaine spécialisé de la connaissance scientifique. Quelle que soit leur manière, ces artistes se servent du livre comme dépositaire de la mémoire et comme recours contre l'effacement. L'écriture, d'abord esquissée sous forme de signes ou d'empreintes possibles, transfigurée par les matières, devient un élément plastique dans la réalisation d'une œuvre, tout en restant un moyen de communication majeur.
Sur le thème des éléments traditionnels, Quatre matières premières : juillet (feu), monologue (terre), aÿle (air), hommage à Marguerite Duras (eau), Double Je met en scène d'éventuelles écritures pour chacun d'eux. Chaque œuvre est une confrontation entre les matériaux transformés et le texte présent en filigrane indissociable, utilisé comme argument plastique. Traces brutes, couleurs aux développements aléatoires, voiles colorés composent de longues bandes destinées à être suspendues comme des calicots. En contrepoint à ces œuvres particulières, Léonore est un livre-jeu de biais entrecroisés.
François Righi et Jean-Michel Ponty ont entrepris, sur le poème de T.S. Eliot La Terre gaste, une recherche de cet ordre. "Les lignes d'écriture () sont d'abord illisibles, chacune se superposant à elle-même de multiples fois. Mais chaque nouvelle page allège le nombre de superpositions jusqu'à la forme unique et enfin lisible du texte (). Righi place ici dans sa scénographie monumentale une double page centrale abstraite, où deux aspects du monde s'opposent, page de gauche une forme érigée frémissante, sensible, humide sexuée, page de droite une excroissance géométrique, et sans pitié, du liseré noir. Ensuite le texte des annotations d'Eliot, vient, lisible, par- dessus une seconde superposition illisible, alourdie de page en page des vers du même poème, mais coup de théâtre : à l'encre blanche", écrit Y. Bergeret sur cette œuvre très dense. Le travail de Righi rejoint le poème d'Eliot et rappelle la Divine Comédie dans sa description de l'enfer, du purgatoire et de l'espérance à l'extrême fin. Les derniers vers du poème sont en sanskrit : "La paix qui passe l'entendement." Ce travail est une réflexion littéraire et artistique sur le lisible et l'illisible, l'attraction et la répulsion, l'accumulation et la légèreté.
Par opposition, Une page d'antho-entomologie de Jean Tardieu où le texte disposé en une colonne, orné en marge de lithographies lettristes de Jean Cortot, avec une petite porcelaine en rappel incrustée dans la couverture, semble une œuvre d'une grande sérénité. Le texte, anthologie parodique de la vie des insectes, est aussi une partie du tout, un élément de la composition abstraite. Un des derniers livres proposés, A Tale of the Space Between de Peter Downsbrough, est un ouvrage dont la structure géométrique est composée de doubles traits, de mots épars ou de morceaux de phrases. Ceux-ci ne font plus appel à l'intellect pour ce qu'ils disent, mais à la sensibilité pour ce qu'ils suggèrent. Nous sommes passés du lisible au visible. Cette présentation se termine par Perpétuité de Double Je, une pièce de marbre lisse pour la "mémoire des mots tissés". Le texte est glissé dans le minéral.
Le livre d'artiste demande à être lu autant qu'à être regardé. Le rapport à l'écrit chez les plasticiens est une des composantes du travail de création. De même de nombreux poètes affichent une grande connivence avec les arts plastiques. Le livre d'artiste embrasse tous les styles, prend toutes sortes d'apparences pour ne laisser au fond que le souvenir de la découverte d'un langage sous toutes ses formes.
Quando
11:00 - 21:00, todos los días excepto martes