Conferencia
NFT
Poétiques de l'immatériel, du certificat à la blockchain
08 abr 2023
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Pour cette table ronde entièrement consacrée aux NFT, le Centre Pompidou donne la parole en priorité aux artistes, qui reviennent sur les effets du développement de la blockchain sur leur pratique et sur le monde de l’art en général.
Le Centre Pompidou a récemment fait l’acquisition d’un ensemble d’œuvres traitant des relations entre blockchain et création artistique, parmi lesquelles ses premiers NFT. Il s’agit de la première acquisition de NFT par une institution publique française, et du premier ensemble de cette importance acquis par une institution dédiée à l’art moderne et contemporain. Ces œuvres sont issues de pratiques et de cultures diverses : le crypto art, les arts plastiques, le net art et l'art génératif. Elles rendent compte de l’étonnante richesse des formes de création artistique liées à la blockchain, et de la variété des positions adoptées par les artistes face à ce phénomène.
L’œuvre séminale de Sarah Meyohas, Bitchcoin, livre dès 2015 un persiflage du système de valeurs véhiculé par la blockchain, où le glamour du branding, la spéculation financière et le capital symbolique sont imbriqués. Les crypto-artistes Robness et le duo Larva Labs, armés d’un regard attentif sur l’histoire du Pop Art et de l’art génératif des années 1960, conçoivent au sein de la blockchain des gestes de rupture et d’invention conceptuelles spécifiques au médium. Les pionniers de l’art numérique Fred Forest et John F. Simon Jr., côtoient Rafaël Rozendaal, jeune représentant de cette scène, chacun explorant les possibilités de compositions codées dans le NFT. Jonas Lund réactualise la critique institutionnelle en engageant le musée par contrat, tandis que John Gerrard place les questions environnementales au cœur de ses œuvres, soulignant le lien inextricable entre les avancées technologiques et l’altération des ressources naturelles. Les pièces d’Agnieszka Kurant et de Jill Magid questionnent la capitalisation des émotions dans le monde virtuel, la première à travers l’histoire des conventions monétaires, la seconde par une réflexion sur la culture des jeux en ligne.
En compagnie de l’historienne de l’art Sophie Cras, les conservateurs Marcella Lista et Philippe Bettinelli échangent avec dix artistes dont les œuvres sont présentées conjointement dans les salles 32 et 33 du Musée national d’art moderne. Cet événement mêle présentiel et visioconférence, avec les participants suivants : Sophie Cras, maîtresse de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Marcella Lista, conservatrice en chef du service nouveaux médias et Philippe Bettinelli, conservateur au service nouveaux médias du Centre Pompidou, ainsi que les artistes aaajiao, John Gerrard, Agnieszka Kurant, Jonas Lund, Jill Magid, Sarah Meyohas,John F. Simon, Robness, Rafaël Rozendaal, et le duo Larva Labs.
Dans le cadre de la présentation des œuvres NFT dans les salles 32 et 33 du Musée national d'art moderne : « NFT : Poétiques de l’immatériel, du certificat à la blockchain » (6 avril 2023 – 22 janvier 2024).
L’ensemble des œuvres acquises fait l’objet d’une présentation au sein de la collection du Musée courant 2023. Celle-ci aborde les rapports entre les expériences artistiques et l'émergence du Web3 dans la dernière décennie mis en perspective par le prisme des problématiques plus larges de l’art de la seconde moitié du 20esiècle. Explorant les spécificités techniques de la blockchain, ou se saisissant des transformations occasionnées par celle-ci, les œuvres choisies prolongent des questionnements au long cours au sein du domaine des nouveaux médias, tant sur le plan de l’évolution des supports de l’œuvre, que sur la gestion de sa rareté et de ses modes de diffusion.
Biographies :
aaajiao
aaajiao est l'identifiant en ligne de l’un des artistes majeurs de la scène post-internet chinoise, Xu Wenkai, aujourd’hui installé à Berlin. Né en 1984 sous le signe de George Orwell, Aaajiao aborde dans son œuvre les évolutions des pratiques numériques et leurs conséquences à l’heure du capitalisme de surveillance. Il a été l’un des premiers artistes à s’intéresser à la blockchain, avec son œuvre Poor Mining, en 2011.
Philippe Bettinelli
Philippe Bettinelli est historien de l’art, et conservateur du patrimoine au sein du service nouveaux médias du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou. Il a auparavant été conservateur des collections « art public » et « arts plastiques (1960-1989) » du Centre national des arts plastiques. Ses recherches ont porté sur les survivances cinématographiques de la peinture, l’art dans l’espace public et les transformations du paysage au 20e siècle, et se concentrent aujourd’hui sur la création numérique. Il a été commissaire de l’exposition en ligne « Sans objet, 9 œuvres abstraites pour le navigateur internet » (Centre Pompidou, 19 mai – 21 novembre 2021), et de l’édition 2021 du prix Marcel Duchamp (Centre Pompidou, 6 octobre 2021 – 3 janvier 2022).
Sophie Cras
Sophie Cras est maîtresse de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses recherches analysent le regard créatif et critique que les artistes contemporains portent sur l’économie. Son livre L’Économie à l’épreuve de l’art : art et capitalisme dans les années 1960 a été publié aux presses du réel en 2018, puis en anglais l’année suivante par Yale University Press. Elle a récemment publié une anthologie de traités d’économie rédigés par des artistes aux éditions B42.
John Gerrard
Né en 1974, l’artiste irlandais John Gerrard s’est particulièrement illustré dans le domaine des nouveaux médias, par le biais d’un important travail autour des technologies de scan 3D et de simulation d’image par ordinateur, notamment issues de l’industrie vidéoludique. Son œuvre Western Flag, mettant en scène un drapeau de fumée rappelant un puits de pétrole, est rapidement devenue emblématique de son engagement écologique.
Agnieszka Kurant
Née en 1978 à Łódź, en Pologne, Agnieszka Kurant vit et travaille aujourd’hui à New York. Elle étudie la photographie à l'École de cinéma de Lodz, l’histoire de l'art à l'Université de Łódź et le commissariat d’exposition au Goldsmiths College de Londres. Sa pratique conceptuelle et interdisciplinaire prend la forme d’installations, de sculptures et de films, Kurant et analyse des phénomènes tels que le capital virtuel, le travail immatériel, l'intelligence artificielle, l'automatisation, le crowdsourcing, l'évolution des mèmes, les mouvements sociaux, les sociétés artificielles et les circuits énergétiques. Ses œuvres sont l'aboutissement de recherches dans des domaines allant de la philosophie à la science des systèmes complexes.
Larva Labs
Les ingénieurs informaticiens John Watkinson et Matt Hall fondent Larva Labs au début des années 2010, dans l’optique de produire des projets créatifs autour des technologies numériques. Ils commencent par développer des applications sur mobiles, avant de se tourner en 2017 vers les potentialités de la blockchain. Les projets CryptoPunks puis Autoglyphs feront d’eux des acteurs importants du succès des NFT, et du développement de cette technologie.
Marcella Lista
Historienne de l’art et conservatrice en chef du service nouveaux médias au Musée national d'art moderne–Centre Pompidou, Marcella Lista a consacré ses premiers travaux de recherche au renouveau de l’œuvre d’art totale dans les années 1908-1914, par le prisme des arts visuels et notamment les rapports entre musique et abstraction : L’Œuvre d’art totale à la naissance des avant-gardes (éditions de l’INHA, 2006). Elle a récemment été commissaire, au Centre Pompidou, des expositions « Hito Steyerl. I will survive » (19 mai – 5 juillet 2021) et « Hassan Khan. Blind Ambition » (23 février – 25 avril 2022). Elle est également la commissaire de l’exposition « Saodat Ismailova. Double-horizon » (Le Fresnoy – Studio des arts contemporains, 10 février – 30 avril 2023).
Jonas Lund
Par le site internet, l’installation, la peinture ou la sculpture, Jonas Lund développe depuis une quinzaine d’année une œuvre s’inscrivant dans la tradition de l’art conceptuel, et portant majoritairement sur l’analyse des structures du monde de l’art et des technologies de l’information. L’artiste s’approprie volontiers des modes de fonctionnements hérités du monde de l’entreprise, dont l’exemple le plus radical est certainement la mise en place des « Jonas Lund Tokens », actions portant sur le travail de l’artiste et donnant à leurs propriétaires un pouvoir de décision sur la carrière de l’artiste, lors d’assemblées organisées par celui-ci.
Jill Magid
Depuis la fin des années 1990, Magid (née en 1973 à Bridgeport, États-Unis) développe une pratique conceptuelle qui embrasse l’écriture, la vidéo, l’installation et la performance. Elle explore à travers un travail d’enquête de terrain les réseaux économiques, légaux et symboliques du pouvoir. Sa série Out-Game Flowers inaugure l’intérêt de l’artiste américaine pour la technologie NFT. Cette série a été produite par Artwrlds, une plateforme créée à New York par l’artiste Walid Raad afin de développer une économie dématérialisée affranchie des structures existantes, opérant en soutien direct aux artistes et aux structures artistiques autonomes.
Sarah Meyohas
L’artiste franco-américaine Sarah Meyohas développe depuis une dizaine d’année un travail au croisement de l’art conceptuel, de la photographie, des nouveaux médias du cryptoart. Son travail porte notamment sur la notion de valeur, qu’elle aborde au prisme des nouvelles technologies (réalité virtuelle, crypto-monnaies, NFT, etc.). Formée à la finance et aux relations internationales, elle porte un regard croisé sur les évolutions du marché de l’art, et sur l’impact de la computation sur le monde contemporain.
John F. Simon
Né en 1964 dans l’État de Louisiana (États-Unis), John F. Simon Jr. utilise le langage de la programmation comme une extension active du langage écrit. L’artiste a étudié ce principe en utilisant divers médiums, tels que le dessin au traceur, des sculptures en acrylique et des programmes logiciels qui donnent lieu à des œuvres en ligne ou sur des panneaux de moniteurs. Ses compositions abstraites tirent parti d’organisations aléatoires de motifs, combinant des données imprévisibles de couleurs, de formes et de mouvements.
Robness
Robness est un musicien électronique et artiste autodidacte aux multiples facettes vivant à Los Angeles, en Californie. Il est l'un des premiers à problématiser l'émergence de l'art dans le monde de la blockchain. Participant à la création réseau mondial de trading RarePepe en 2016, il s’est intéressé à l'apparition des contrats intelligents (smart contracts) et des « collectibles » dans la culture NFT. L’une des personnalités les plus actives du Crypto Art, Robness se distingue par une constante recherche, aussi bien conceptuelle qu’esthétique.
Rafaël Rozendaal
Trouvant sa source dans une fascination pour les images en mouvement et pour l’interactivité dans sa forme la plus élémentaire, le travail de Rafaël Rozendaal prend Internet pour toile de fond. Acteur du mouvement Neen avec Miltos Manetas dès le début des années 2000, Rafael Rozendaal est notamment connu, au sein de la scène du net art, comme le créateur d’un modèle de contrat de cession de ses sites internet, repris depuis par de nombreux artistes : cet intérêt pour les modalités de collection de sa production trouve une continuité logique dans le développement récent des NFT, dont l’artiste s’est largement saisi depuis le début des années 2020.
Sarah Meyohas, Bitchcoin, 2015-2021