La collection, une histoire en train de s'écrire
Fruit d’une collaboration avec différents partenaires scientifiques, dont l’Institut national d’histoire de l’art, le musée d’Orsay, les Archives nationales et l’Université Paris 1, le projet de recherche Histoire(s) d’une collection vise à interroger l’identité du Musée national d’art moderne et de ses devanciers, le Musée des artistes vivants (ou musée de Luxembourg) et le musée du Jeu de Paume. Comment ces musées ont-ils réagi à l’art en train de se faire ? Quels ont été leurs engagements au moment où triomphaient les artistes du présent ? Ce projet unique en son genre entend mettre en relief la concordance ou les écarts entre les choix d’acquisition accomplis par le Musée, d’une part, et le cours de l’histoire des arts au moment où ces choix ont été faits, d’autre part.
Fondé en 1818, le musée du Luxembourg est considéré comme le premier musée d’art contemporain au monde. Lieu transitoire, il constitue une sorte de « purgatoire » avant la consécration ou l’oubli : dix ans après la mort de l’artiste, les œuvres dont « l’opinion universelle a consolidé la gloire » sont transférées au musée du Louvre, tandis que les autres sont reversées dans diverses institutions publiques ou déposées en province. Malgré l’instabilité de ses collections, le Luxembourg devient rapidement « encombré, archi encombré » et, en 1922, les œuvres des artistes étrangers sont transférées au Jeu de Paume des Tuileries, qui deviendra un musée autonome quelques années plus tard.
Si le musée du Luxembourg mène une politique d’achat timide, héritière du goût du 19e siècle – le premier tableau cubiste n’y entre qu'en 1935, tandis que les achats orientalistes se multiplient –, le musée du Jeu de Paume se caractérise par sa plus grande ouverture à l’avant-garde, dont témoigne l’exposition « Origines et développement de l’art international indépendant » en 1937, où des tableaux de Vassily Kandinsky côtoient ceux de Pablo Picasso, Salvador Dalí, Piet Mondrian et Hans Hartung. Au-delà de la question du goût, ces deux musées pâtissent de faibles capacités budgétaires qui limitent leur champ d’action patrimonial.
En 1937, le Musée national d’art moderne est créé par décret. Petit à petit, les collections du musée du Luxembourg et du musée du Jeu de Paume sont réunies dans un nouveau bâtiment construit pour l’occasion : le Palais de Tokyo. Passée l’entrouverture sous l’Occupation du Musée national d’art moderne, celui-ci se réinvente à la Libération grâce à l’action efficace de son nouveau directeur, Jean Cassou, qui sait convaincre hommes politiques et artistes de la nécessité de soutenir l’enrichissement d’une collection digne du dynamisme artistique de Paris. Dès lors, de grandes donations vont permettre de combler le retard accumulé durant l’entre-deux-guerres, accompagnées d’importants legs dans les années 1960 et 1970.
La préfiguration du Centre Pompidou, entre 1973 et 1977, est marquée par un virage décisif vers l’art contemporain et vers une ouverture véritablement internationale, sous l’impulsion de Pontus Hultén, nommé directeur du Musée national d’art moderne.
La préfiguration du Centre Pompidou, entre 1973 et 1977, est marquée par un virage décisif vers l’art contemporain et vers une ouverture véritablement internationale, sous l’impulsion de Pontus Hultén, nommé directeur du Musée national d’art moderne. Elle voit aussi se dessiner les contours d’une collection de photographies et de films, jusqu’alors absente en tant que telle. Depuis les années 1980, le Musée national d’art moderne poursuit l’enrichissement de ses collections dans un esprit pluridisciplinaire, en alliant à une nécessaire attention à la scène française une conscience réaffirmée du mouvement de mondialisation intrinsèque à la modernité. L’expansion des collections est spectaculaire et le musée entre en 1993, dans une nouvelle phase de son histoire avec l’intégration du Centre de Création Industrielle et de ses collections d’architecture et de design. En 2002, les travaux de réaménagement du Centre Pompidou conduisent à la création de la bibliothèque Kandinsky, qui conserve les riches fonds d’archives du musée. D’importantes dations et donations forment de nouveaux ensembles monographiques – à l’instar de la dation Soto (2011) ou la donation Jim Dine (2016) – ou thématiques – à l’image du projet Kollektsia ! qui, en 2016-2017, permet l’entrée en collection de plusieurs centaines d’œuvres d’art contemporain soviétiques et russes. Rassemblant quelque 120 000 œuvres, le Musée national d’art moderne conserve aujourd’hui l’une des deux plus importantes collections d’art moderne et contemporain au monde. ◼
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