Focus sur… « L'oiseau dans l'espace » de Constantin Brancusi
C'était une sculpture dont la forme longiligne d'une extrême pureté enflait légèrement dans son élan ascensionnel avant de terminer en pointe. À la fois frêle et sûre de sa force, elle se dressait sur près de deux mètres de haut.
Thomas Schlesser, Les Yeux de Mona (2024)
L’Oiseau dans l’espace de 1941 est l’un des derniers états d’un motif auquel Brancusi s’est consacré pendant près de quarante ans. Vingt-huit variantes en marbre, bronze et plâtre, constituent une même recherche à travers une succession de versions légèrement différentes, qui s’engendrent les unes les autres. À partir de Maïastra (marbre blanc, [1910]-1912, New York, MoMA), idée première et encore réaliste de L’Oiseau (marbre jaune, 1919, Yale University Art Gallery), le sculpteur développe une suite de formes verticales, dont la tension et l’élan, au bord du déséquilibre, s’accroissent au fur et à mesure de leur simplification. L’oiseau magique des contes se transforme lui-même et renaît d’une apparence précédente, tel le phénix de l’Antiquité.
Comme enfant, j'ai toujours rêvé que je volais dans les arbres et dans le ciel. J'ai gardé la nostalgie de ce rêve et depuis quarante-cinq ans, je fais des oiseaux. Ce n'est pas l'oiseau que je veux exprimer, mais le don, l'envol, l'élan.
Constantin Brancusi
La dualité symbolique de l’Oiseau est apparue lors du procès de Brancusi avec les douanes américaines en 1927-1928, qui refusaient le statut de sculpture au bronze acquis en 1926 par Edward Steichen. Chaque Oiseau intermédiaire en révèle un autre, sous une nouvelle forme de plus en plus étirée et élevée dans l’espace. En 1923, à la place d’une base géométrique, un cône intègre au corps le pied de l’oiseau, modulé ensuite sous une taille extrêmement fine, d’où jaillit l’arc du ventre bombé. Celui-ci s’achève sur un petit plan incliné vers l’arrière, figurant par l’absence le bec de l’oiseau, à l’origine simple fente pointée vers le ciel. L’Oiseau dans l’espace de 1941 est sans doute le bronze tiré du marbre noir de 1936 (Canberra, The National Gallery of Art), l’un des deux fameux marbres commandés par le Maharadjah d’Indore pour un temple resté à l’état de projet. Son intérêt réside dans sa taille qui en fait le plus grand des « Oiseaux » et le désigne comme l’état ultime du thème. Contre un mur peint en rouge, il domine l’atelier de toute sa hauteur, sur une superposition de trois socles (cylindrique, cruciforme et en X), qui signe la présentation idéale et définitive de L’Oiseau dans l’espace. ◼
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Centre Pompidou, 2007
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L'oiseau dans l'espace, 1941 (plâtre)
Vue de la salle « L'envol » dans l'exposition « Brancusi »
© Centre Pompidou