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En immersion avec... les pompiers du Centre Pompidou

C’est mardi, jour de fermeture hebdomadaire au Centre Pompidou. Tout est calme, et pourtant. Comme tous les mardis, les équipes des pompiers enchaînent les rondes et s'entraînent pour garantir votre sécurité comme celle de tous les chefs-d'œuvre exposés. Plongée dans les arcanes secrètes du bâtiment Beaubourg, aux côtés des soldats du feu.

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Le son de la cloche est assourdissant. Pourtant, Jason et Raymond, deux pompiers du Centre Pompidou, restent imperturbables, concentrés sur leur mission : le « test gong ». Ils l'effectuent tous les mardis lors de la ronde d'inspection des systèmes spinklers, ces petites buses omniprésentes dans le bâtiment qui libèrent de l’eau en cas de chaleur excessive. Tout doit être en parfait état de fonctionnement pour endiguer le moindre départ de feu. Chaque année, les quarante pompiers du Centre Pompidou en maîtrisent une trentaine, aux abords immédiats du bâtiment (feux de poubelle), plus rarement parmi les œuvres exposées, comme ce jour où une batterie d'hygromètre s'est consumée, produisant une importante fumée en pleine exposition « Brancusi » — heureusement sans occasionner le moindre dommage.

Avant d'entamer leur ronde, les deux hommes sont descendus dans les entrailles du bâtiment, au niveau -3. Rares sont les personnes à avoir accès à ces infrastructures, les plus profondes et les plus méconnues du Centre Pompidou, qui compte dix niveaux (dont trois souterrains abritant des ateliers) et mesure quarante-deux mètres de haut. C’est dans cette zone stratégique que se trouvent notamment les immenses réservoirs d’eau pour alimenter les sprinklers. Le système doit d'abord être désarmé pendant un court laps de temps. S’en ensuit alors une batterie de tests, niveau après niveau, dans des locaux abrités des regards, certains suspendus entre ciel et terre au niveau des escaliers de secours ; des binômes de soldats du feu mettent chaque poste sprinkler à l’épreuve en simulant un passage d’eau. Ils peuvent ainsi vérifier le déclenchement correct de l’alarme in situ et au PC, la portée et la clarté du son, voire la réactivité des équipes. C’est aussi l’occasion de remplacer la bande graphique de chaque poste ; elle conserve une trace de la moindre activité anormale. En cas d'urgence, la ronde est interrompue ; ce jour, c'est une des lourdes portes coupe-feu qui fait des siennes au Musée. Fausse alerte, la ronde peut reprendre. Au même moment, une autre équipe emprunte le passage souterrain entre le Centre Pompidou et l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique (Ircam) pour s'y livrer aux mêmes manœuvres.

 

Au Centre Pompidou, les pompiers veillent sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils sont là en toutes circonstances, lors de gardes de vingt-quatre heures ou de douze heures consécutives.

Au Centre Pompidou, les pompiers veillent sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils sont là en toutes circonstances, lors de gardes de vingt-quatre heures ou de douze heures consécutives. Six d'entre eux minimum arment en permanence le PC de jour, trois de nuit — connaissant sur le bout des doigts le bâtiment et toutes ses arcanes, ils sont prêts à se déployer sur tous types de sinistres en un temps record : départs de feux, secours, assistance à victimes, intrusion d’animaux, protection des biens, fuites d’eau, de gaz, recherches, pannes d’ascenseur… Rien qui ne les arrête, pour peu que ça ait lieu dans le bâtiment principal, abritant également la Bibliothèque publique d'information (Bpi), ou à l'Ircam, comme à leurs abords immédiats.

 

Chaque année, ces soldats du feu réalisent plusieurs milliers d’interventions.

 

Chaque année, ces soldats du feu réalisent plusieurs milliers d’interventions. Une goutte d’eau rapportée à la fréquentation du site Beaubourg (presque quatre millions d’entrées par an, en comptant la Bpi) et à sa superficie (cent vingt mille mètres carrés de plancher pour les dix niveaux du bâtiment principal).

La plupart de ces hommes et de ces femmes ont eu une première carrière militaire au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (Bspp), la « Brigade », comme ils disent. Sur la table de leur salle de pause, quelques exemplaires de Allo 18, le magazine officiel des pompiers de Paris, témoignent de leur attachement à l’unité. D’autres exerçaient dans un service départemental d’incendie et de secours (Sdis), d’autres sont toujours en activité, en tant que pompiers volontaires ; chefs de quart au Centre Pompidou, ils deviennent chefs d’agrès en caserne. Cette proximité avec leurs collègues d’hier et d’aujourd’hui leur permet de gagner un temps précieux en « inter », pour « intervention », lors de la transmission des informations ; toutes et tous parlent un même langage, celui de l’action, fait de précision et d’économie – « Reçu fort et clair ». Par ailleurs, les hommes et femmes du Groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux (Grimp) font régulièrement leurs entraînements sur la façade du Centre Pompidou, profitant de ce jour de fermeture publique.

 

Le plan de sauvegarde du patrimoine culturel est au cœur des missions des pompiers.

 

En plus des risques liés aux personnes, les pompiers du Centre Pompidou ont la lourde charge de veiller sur la première collection d’Europe pour l’art moderne et contemporain – le plan de sauvegarde des biens culturels est même une des spécificités de leur travail au Centre Pompidou. Le feu, bien entendu, mais aussi les infliltrations ou les fuites d'eau représentent d'importants dangers pour les œuvres. En cas de sinistre, comme la rupture d'une canalisation, c’est aux pompiers que revient la mission de les évacuer et de les mettre en sécurité, selon des gestes maintes fois répétés, et en utilisant du matériel dédié. Car le jour de fermeture offre l’occasion de réviser, de se former sur des aspects spécifiques à l’établissement, de répéter les manœuvres obligatoires, de faire le point sur les dernières techniques de secourisme, de revoir les procédures pour les cas les plus dramatiques, comme les attentats. Être en alerte permanente, telle est la lourde tâche des pompiers du Centre Pompidou pour continuer d'accueillir les publics et les œuvres dans des conditions optimales. ◼