« Les Immatériaux » (1985)

Sous le commissariat du philosophe Jean-François Lyotard et du théoricien du design Thierry Chaput, accompagnés d’une équipe de conseillers scientifiques, l’exposition « Les Immatériaux » a été présentée en 1985 dans la Grande Galerie, au niveau 6 du Centre Pompidou. Les commissaires ont préféré utiliser le terme de manifestation afin de se démarquer des canons de l’exposition d’art autant que de la tradition des expositions universelles de sciences et techniques. Il s’agissait de plonger le public dans une expérience nouvelle de « navigation », de « faire éprouver le sentiment de l’achèvement d’une période et la curiosité inquiète qui naît à l’aube de la postmodernité » en explorant un tournant épistémologique : les prémices d’une société informatisée amenée à remodeler la relation de l’humain au monde.

Le plateau libre de 2 300 m² était modulé par une scénographie flottante et propice à la désorientation, jouant de divers degrés de filtres visuels produits par des superpositions de résilles métalliques, de bandes-audio diffusées par des casques à infra-rouge et de « dérouleurs » de textes projetés. Des œuvres d’art dialoguaient avec des dispositifs plastiques, scientifiques et techniques au sein d’une soixantaine de salles appelées « sites ». Autour des cinq notions clés de matière, matériau, maternité, matériel et matrice, chaque site invitait à un questionnement des catégories traditionnellement admises en Occident dans de multiples domaines du savoir et de la culture, jusque dans leurs formes les plus quotidiennes.

Bien qu’encore méconnue, « Les Immatériaux » compte parmi les jalons marquants de l’histoire des expositions. Y ont contribué de nombreux penseurs. Des philosophes tels Jacques Derrida, Bruno Latour, Isabelle Stengers ont également participé à sa publication associée, Épreuves d’écriture (éditions Centre Georges Pompidou, 1985). 

Dans le cadre d’un projet de recherche européen « Beyond Matter » mené au long cours par le Musée national d’art moderne, cette salle-dossier met en perspective une sélection succincte d’œuvres – en partie reconstituées – et de documents. Elle présente un environnement virtuel, conçu par les équipes du Musée au sein du projet de recherche, qui permet d'explorer une cartographie de son archive, par définition mouvante et inachevée.

Cet outil interactif questionne les possibilités de la modélisation virtuelle et les façons dont on peut imaginer de transposer les qualités expériencielles d’un projet hors normes, dont le concept ouvrait aux nouveaux visages du « matériau » par cela leur seule perception physique. 

Visite virtuelle

Dans le cadre de l'exposition itinérante « Matter. Non-Matter. Anti-Matter », le Centre Pompidou présente les modèles virtuels des expositions « Les Immatériaux » (Centre Pompidou, 1985) et « Iconoclash. Beyond the Image Wars in Science, Religion, and Art » (ZKM, Karlsruhe, 2002) à travers l’Immaterial Display, un dispositif informatique nouvellement développé pour l'exploration d'expositions virtuelles.

Cette exposition s’inscrit dans le cadre du projet international de recherche et de coopération « Beyond Matter: Cultural Heritage on the Verge of Virtual Reality » (2019-2023) initié et dirigé par le ZKM | Center for Art and Media Karlsruhe, en collaboration avec l'Université Aalto, Espoo, le Centre Pompidou, Paris, le Ludwig Museum, Budapest, Tallinn Art Hall, et le Tirana Art Lab, co-financé par le programme Creative Europe de l'Union européenne.