A rebours

Très représentative, tant au niveau de la conception que de la forme, des fondements de l’œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster, À rebours se situe dans la série des « chambres », initiée par l’artiste en 1988 et devenue rapidement emblématique de sa démarche plastique. Tel « un espace mental où l’on compose une ambiance », la chambre retrace des univers aux résonances personnelles mais aussi littéraires, comme ici, dans une version actuelle de la chambre de Des Esseintes, le personnage du roman de Joris-Karl Huysmans, À Rebours (1884). Des cimaises colorées délimitent le cadre de trois pièces, au décor essentiel et au mobilier minimal, éclairées par des lampes : « entrée rouge », « chambre jaune » et « bureau bleu ». La couleur, à l’abri de la lumière naturelle – tout comme dans la demeure de Des Esseintes, dont les couleurs sont sélectionnées en fonction de leur réaction à la lumière artificielle –, imprègne chaque espace, immergeant le spectateur dans un bain monochrome intense. Par les jeux des lumières, formes et couleurs, cette mise en scène, qui fait également allusion à des références cinématographiques, est propice à la rêverie introspective. « Les chambres produisent des scénarios », revendique l’artiste. Le spectateur est ainsi investi du rôle d’auteur et d’interprète dans l’exploration sensible et signifiante de cet environnement dépouillé. La télévision allumée, avec uniquement un écran de neige, témoigne de la mise à distance critique du flux d’informations de la société contemporaine, au profit de nouveaux imaginaires. À l’instar de Des Esseintes, dont l’isolement et la quête d’artifice se révèlent être autant de tentatives d’atteindre un idéal, l’artiste évoque dans un espace générateur d’expériences multiples, l’aspiration à la diversité, en opposition à toute forme d’autorité et de contrôle.

Cristina Agostinelli

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007