Ruth und Ces im Bade (Ruth et Cés[ar] au bain)
1931
Informations détaillées
Artiste |
Hannah Höch
(1889, Allemagne - 1978, République fédérale d'Allemagne) |
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Titre principal | Ruth und Ces im Bade (Ruth et Cés[ar] au bain) |
Date de création | 1931 |
Domaine | Dessin | Collage |
Technique | Illustrations de magazines et papiers découpés et collés sur carton argenté |
Dimensions | 25,3 x 16,3 cm |
Inscriptions | Titré en bas à gauche : RUTH UND CES IM BADE. Monogrammé et daté en bas à droite : H.H.31. |
Acquisition | Dation, 2000 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 2000-205 |
Analyse
Selon le récit de Raoul Hausmann, Hannah Höch (alors sa compagne) et lui-même auraient inventé le photomontage en 1918. Passée la grande époque de Dada Berlin, la jeune femme saura, avec John Heartfield, poursuivre son travail dans ce domaine avec une subtilité rare. Lorsque César Domela organise la première exposition sur le sujet, à Berlin, en 1931 – qui est l’occasion pour lui de définir ce procédé phare de Dada non comme forme inventée par un auteur mais comme conséquence d’un besoin d’expression –, il y inclut largement les travaux de Höch. Ruth und Ces im Bade , photomontage en deux parties (1931), témoigne de cette libre amitié de l’artiste pour le couple formé par César Domela (les jambes) et sa femme Ruth (la poitrine).
Au sein de Dada Berlin, Hannah Höch donne une orientation très personnelle au photomontage politique : émancipée et intransigeante, elle exerce sa veine critique sur la condition de la femme dans la société de la République de Weimar, dont elle dénonce le fonctionnement machiste. Sa relation avec l’écrivain Til Brugmann, rencontrée en Hollande en 1926, la conduit ensuite à une réflexion sur l’identité féminine, à travers, notamment, les figures de l’androgyne et du couple homosexuel. Le photomontage lui permet ainsi de mettre à mal les frontières entre tous les « genres ». Dans sa série Aus einem ethnographischen Museum [D’un musée ethnographique], à laquelle elle travaille de 1924 jusqu’à au moins 1934, elle recourt à des images d’objets tribaux, qui souvent masquent le visage de la femme, comme pour signifier combien sa véritable nature est réprimée par la condition qui lui est imposée : poupée ou marionnette. Die Süsse (La Mignonne), Fremde Schönheit (Beauté étrange), Entführung (Enlèvement), Trauer (Tristesse) font partie de cet ensemble, ainsi que Mutter . La reproduction d’un masque des Indiens Kwakiutl – que Höch a pu voir au Museum für Völkerkunde, à Berlin – est collée sur la photographie d’une femme du peuple enceinte, prise par Heartfield en vue de la réalisation d’un photomontage intitulé Pourvoyeuse obligée de matériel humain, courage ! L’État a besoin de chômeurs et de soldats , dans lequel l’image de la grossesse est associée au cadavre d’un jeune soldat. Le même message, visant une politique nataliste tendancieuse, est délivré dans Mutter : Hannah Höch y dénonce le rôle primitif (d’où le masque tribal) de la femme, qui est d’enfanter. Apparue dans les années 1920, la figure de la « Nouvelle Femme » promouvait une femme active, indépendante, mi-garçonne mi-séductrice. L’œil maquillé et révulsé du masque semble être un appel à la mobilisation de toutes les femmes – les « Femmes dans le besoin », selon le titre d’une exposition organisée à Berlin en 1931 par l’Internationale Arbeiterhilfe, à laquelle Höch prend part : « La plus grande victime de notre époque, lit-on dans le catalogue, c’est la femme. Une triple fatalité pèse sur elle, en tant que chômeuse, femme et mère. »
Isabelle Ewig
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
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Bibliographie
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