Passion (Ecce Homo)
[1947 - 1949]
Passion (Ecce Homo)
[1947 - 1949]
À la violence de la scène du procès du Christ, Rouault oppose une figure humaine, paisible et résignée.
Quoique l'ensemble de l'œuvre de Rouault soit habité par la foi, il faut attendre 1950 pour qu'il figure dans une église. À la demande du Père Couturier, Passion est l'une des cinq peintures qui inspirent les vitraux de Notre-Dame-de-Toute-Grâce à Assy. La figure du Christ à l'expression profondément humaine, est caractéristique du style tardif de l'artiste. Seuls le manteau rouge et la couronne d'épines désignent cette scène dénuée de pathos comme un épisode de la Passion.
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile sur toile marouflée sur panneau |
Dimensions | 83,8 x 56,5 cm |
Acquisition | Ancienne collection du baron Fukushima affectée en 1954 au Musée national d'art moderne en application du traité de Paix avec le Japon de 1952 |
N° d'inventaire | AM 3290 P |
Informations détaillées
Artiste |
Georges Rouault
(1871, France - 1958, France) |
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Titre principal | Passion (Ecce Homo) |
Date de création | [1947 - 1949] |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile sur toile marouflée sur panneau |
Dimensions | 83,8 x 56,5 cm |
Inscriptions | S.B.DR. : GRouault |
Notes | Cette peinture a servi de modèle pour un vitrail (titré "Flagellation") dans l'église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du plateau d'Assy (1937-1946). Sa décoration a été confiée à l'instigation de l’abbé Devémy, et grâce à son ami le Père Couturier, à un ensemble d'artistes contemporains (dont Rouault, Jean Bazaine, Pierre Bonnard, Georges Braque, Marc Chagall, Jacques Lipchitz, Jean Lurçat, Henri Matisse, Germaine Richier, etc.) au début des années 1950. |
Acquisition | Ancienne collection du baron Fukushima affectée en 1954 au Musée national d'art moderne en application du traité de Paix avec le Japon de 1952 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 3290 P |
Analyse
Rejetant les classifications, Rouault affirmait qu’il n’y a pas d’art sacré mais un art fait par des artistes qui ont la foi. Il préférait la notion d’art chrétien, selon la définition de Jacques Maritain – ami de Rouault depuis 1911 – qui distingue art chrétien « qui porte en soi le caractère du christianisme » et art d’église « spécifié par un objet […] et des règles déterminées » (J. Maritain, Art et scolastique , 3 e éd., Paris, Louis Rouart, 1935, p. 112-113). L’œuvre de Rouault transcendée par la foi ne figure dans aucune église jusqu’à la consécration, en 1950, de Notre-Dame de Toute Grâce, à Assy. L’église comporte cinq vitraux exécutés d’après des modèles de Rouault ; un seul vitrail ( Christ aux outrages , 1939, dont le Musée possède le carton) fut dès l’origine un projet demandé par le verrier Jean Hébert-Stevens (Rouault avait travaillé dans deux ateliers de verriers entre 1885 et 1890). Les quatre autres vitraux sont des peintures choisies par le père Couturier et le chanoine Devémy – chargés de la réalisation d’Assy –, traduites en verre pour l’église.
Ecce homo (Courthion, 1962, op. cit. , n o 534 ; cat. rais. n o 2528) a servi de modèle pour l’un de ces vitraux qui présente un état disparu de la peinture, Rouault en ayant modifié les couleurs par la suite (lettre du verrier Paul Bony, 2 novembre 1955, Fondation Georges Rouault). Acquise par un collectionneur japonais ami de Rouault, la peinture fut récupérée par l’État après la guerre (rétrocession des œuvres d’art, officialisée en 1954 par le traité franco-japonais). Dans sa constante exigence de retravailler ses œuvres, Rouault apporta une première modification en allongeant le tableau et recouvrit de vert le rouge dominant. C’est à ce stade qu’il fut transposé en vitrail. La couche verte fut ensuite reprise en bleu, état actuel de la peinture. La surcharge de couleurs est caractéristique du travail de Rouault, qui privilégie le bleu entre 1940 et 1948. La figure du Christ est souvent peinte dans des formats approximativement carrés. Saintes Faces et voiles de Véronique confrontent violemment le spectateur à l’empreinte ( La Sainte Face , 1933, AM 1929 P). À partir de 1940, l’expression se fait plus humaine. L’image du Christ n’est plus réduite à la seule tête. Dans cette Passion sans effet dramatique, seuls le manteau et la couronne d’épines évoquent précisément la scène, suggérée également par le même rouge – couleur de la Passion – de plusieurs éléments. Buste légèrement affaissé, tête inclinée, paupières baissées, le Christ présente l’attitude d’un homme soumis à ses juges. Image humaine, fraternelle, dont Rouault révèle le caractère sacré par la sérénité de l’expression. À la violence du procès d’un homme, il oppose une figure paisible. Un jaune irisé forme un léger nimbe et situe la tête du Christ dans un plan coloré lumineux. Souvent élément plastique à fonction décorative, un arc en plein cintre ajoute à l’œuvre la dimension architecturale d’un Christ en majesté au tympan d’une église.
Martine Briand
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007