Werner Herzog : vérité et démesure

Sommes-nous prêts aujourd'hui à voir ou à revoir Werner Herzog ? Cette question esthétique est, au fond, une question politique. Il a bien fallu se convaincre, un certain 11 septembre, que l'histoire n'était pas achevée et que l'on n'en avait pas fini de se colleter au tragique : il n'avait d'ailleurs jamais quitté la scène sauf dans les mirages douçâtres que tout le cinéma de Herzog nous invite à percer à jour. Avant de se dissiper sous la forme de ces bulles qui explosent, ces mirages ont pu faire illusion en se targuant, « simplement », d'être la « vraie » réalité.

Or, justement, Herzog nous est ici un guide irremplaçable lui qui « hait tous ces films qui prétendent enregistrer la réalité avec des manières de comptable » et qui propose la quête « d'une vérité au-delà des faits et plus profonde que les faits »

Dès lors cette quête ne devait elle pas se nourrir de la fiction comme du documentaire au travers d'œuvres qui obligent à dépasser l'idée d'une frontière imperméable entre les genres ? Et de même, puisque nul ne peut oublier que Herzog est allemand, n'était-il pas nécessaire que cette prescience hallucinée des tragédies présentes s'enracinât dans une incessante retraversée de la folie meurtrière et sordide (les rats de Nosferatu) du nazisme ?

Aller au-delà des faits pour que « les spectateurs puissent croire leurs yeux à nouveau » dit Herzog, pour voir Herzog à nouveau, serions-nous tentés de dire.