Hors les murs
Tapis volants
16 nov. 2012 - 27 janv. 2013
L'événement est terminé
Cette transformation de l'espace de la représentation en champ de force que les tapis produisent dans la simultanéité, le film, à l'ère de la reproductibilité, nous a appris à la percevoir dans la succession. Dans le prolongement du Mouvement des images, ce projet s'appuie sur l'intuition que le cinéma ne se réduit pas à l'expérience à laquelle on l'a identifié tout au long du XXe siècle, celle d'une projection dans un espace normé par les lois de la théâtralité, mais qu'il est constitué d'un ensemble de propriétés ou de forces visant à animer les surfaces - défilement, projection, montage - qui, au-delà du dispositif cinématographique traditionnel trouvent dans l'organisation du tapis une forme de modèle.
Commissaire Philippe-Alain Michaud
Qu'est-ce qu'un tapis volant ?On peut multiplier les hypothèses relatives à sa présence, dans la tradition orientale, et associer les thèmes de la lévitation et du transport qui lui sont liés à la prière ou à la guerre, à la magie ou au nomadisme (selon la belle hypothèse de Sergio Bettini, le tapis n'est pas un objet mais un lieu : il est la maison de celui qui n'a pas de maison mais plus profondément, le tapis volant est d'abord une métaphore du tapis lui-même. Si, pour la tradition moderniste, il a pu servir de paradigme à l'affirmation de la planéité en peinture, il peut aussi être envisagé, à rebours, comme un dispositif de mise en mouvement des surfaces qui, en utilisant les propriétés de l'expansion, de la rotation et du défilement produit des effets de flottement, de désorientation ou de déséquilibre : bordures imbriquées qui estompent la notion de limite et suggèrent un prolongement virtuel, indéfini, du tapis au-delà de ses propres bords ; intrication d'entrelacs et d'arabesques où le regard se perd ; superposition de trames en treillis et en semis associant, dans une unité optique contradictoire, division géométrique du champ et dispersion aléatoire des motifs ; alternance de formes positives et négatives à la surface du champ suggérant un creusement en profondeur. En bref, l'économie visuelle du tapis repose sur un jeu de propriétés plastiques qui mettent en question la stabilité de la surface, la limitation du champ ou la bidimensionalité du plan.
Cette transformation de l'espace de la représentation en champ de force que les tapis produisent dans la simultanéité, le film, à l'ère de la reproductibilité, nous a appris à la percevoir dans la succession. Dans le prolongement du Mouvement des images, ce projet s'appuie sur l'intuition que le cinéma ne se réduit pas à l'expérience à laquelle on l'a identifié tout au long du XXe siècle, celle d'une projection dans un espace normé par les lois de la théâtralité, mais qu'il est constitué d'un ensemble de propriétés ou de forces visant à animer les surfaces - défilement, projection, montage - qui, au-delà du dispositif cinématographique traditionnel trouvent dans l'organisation du tapis une forme de modèle.
L'exposition se propose de rassembler et confronter des tapis réels, qui par leur fonction (tapis de prière, tapis de guerre, tapis jardins), leur texture (tapis de soie bouqalemoun aux chromatismes indécidables) ou leur composition (en grille, en semis, centrés autour d'un médaillon) produisent un effet d'animation des surfaces et des films qui se trouvent ainsi reconsidérés à la lumière de l'ornemental : films réalisés selon la technique des batiks (Harry Smith, Abstractions), compositions monochromes évoquant les tracés linéaires indéfinis des couvertures navajos (Paul Sharits, Nothing), pellicule sur laquelle des brins d'herbes, des feuilles et des élîtres d'insectes sont directement collés comme un équivalent filmique des tapis_jardins (Stan Brakhage, Mothlight) inversions positifs/négatifs produisant un effet identique à celui des motiifs rentrants (Peter Kubelka, Adebar), imbrications de bordures (Hans Richter, Rythme 21)...
Des œuvres contemporaines qui utilisent les propriétés formelles des tapis pour dynamiser le plan ou le dissoudre seront également présentes : quadrillage et répétition modulaire (sols de Carl Andre), effets de lévitation ou de suspension (Hans Haacke, Blue Sail), compositions en médaillon (Zilvinas Kempinas, Flying Tape), dispersion d'éléments sur un champ ouvert (Taysir Batniji, Hannoun), etc. Un tableau florentin du XVe siècle dialoguera avec des tableaux contemporains de Jugnet + Clairet.
L'exposition comportera enfin une dimension sonore, avec la présentation d'une pièce musicale de Morton Feldman qui, s'inspirant de la collection des tissus coptes du musée du Louvre et de la composition des tapis, substitue à la notion de composition celle de champ temporel.
Exposition réalisée en collaboration avec le Centre Pompidou, les Abattoirs - Frac Midi-Pyrénées, le Musée des textiles de Lyon, le Musée Jacquemard André, le Musée du quai Branly et Amundi.
Quand
11h - 19h, tous les mercredis, jeudis, vendredis, samedis, dimanches
Où
Les Abattoirs, Toulouse