Débat / Rencontre
Jean-Yves Jouannais : L'Encyclopédie des guerres
Entrée : de « Dandysme » à « Désir » en passant par « Danse » et « Désertion »
14 mai 2009
L'événement est terminé
On peut estimer que la neuvième conférence-performance commence avec l'entrée « Dandysme » et ira jusqu'à « Désir » en passant par « Danse » et « Désertion ». Venir écouter Jean-Yves Jouannais, ce n'est pas observer une œuvre en train de se faire : l'Encyclopédie des Guerres n'aboutira jamais à un livre, elle n'existe que quand son auteur en égrène les entrées devant nous ("Belligène" ; "Boum" ; "Arbres" etc.).
On peut estimer que la neuvième conférence-performance commence avec l'entrée « Dandysme » et ira jusqu'à « Désir » en passant par « Danse » et « Désertion ».
La drôle de guerre
« Depuis la rentrée, Jean-Yves Jouannais lit à Beaubourg son Encyclopédie des Guerres, livre-somme, monstre et impossible, qui s'écrit au fil de « performances » passionnantes.
Il le répète sans cesse : la guerre ne l'intéresse pas. Pourtant il accumule depuis des années des livres sur le sujet, il les lit de la première à la dernière page, note les passages les plus évocateurs et fait de ces extraits une œuvre qu'il a appelée l'Encyclopédie des Guerres. Et nous, que la guerre n'intéresse pas plus que lui, on vient, à date régulière, l'écouter lire et commenter cette somme de savoir dont on n'a, objectivement, rien à faire.
On n'a même pas l'excuse de l'actualité : toutes les guerres dont parle Jouannais sont finies depuis longtemps. Son encyclopédie commence avec L'Iliade et s'achève avec la Seconde Guerre mondiale : pas d'Algérie, pas de Guerre du Vietnam, pas de Tchétchénie ni de Darfour. Mais on nous parle de la guerre d'Espagne, de la guerre de Cent Ans et, régulièrement, de la Première Guerre mondiale, véritable cœur du projet.
Mais tous ces affrontements ne se présentent que par bribes, fragments, éclats : l'Encyclopédie de Jean-Yves Jouannais est un livre évidé. On n'y trouve pas l'histoire des conflits qui ont occupé l'humanité ces deux mille dernières années, mais seulement des citations qui pourraient, éventuellement, éclairer la nature de la guerre, ou tout du moins sa puissance d'accaparement.
Venir écouter Jean-Yves Jouannais, ce n'est pas observer une œuvre en train de se faire : l'Encyclopédie des Guerres n'aboutira jamais à un livre, elle n'existe que quand son auteur en égrène les entrées devant nous ('Belligène' ; 'Boum' ; 'Arbres' ; etc.). Aucun texte imprimé n'est disponible : quand on en parle, comme je tente actuellement de le faire, on cite de mémoire, au risque de se tromper et d'ajouter une couche d'erreur et de fiction à un matériau déjà considérablement rapiécé.
L'Encyclopédie des Guerres est une entreprise mouvante, sans cesse reprise, corrigée, étayée, mais ce n'est pas une ébauche. Bien au contraire : chaque entrée fore dans des couches accumulées d'érudition et s'accompagne d'une iconographie soignée. Jean-Yves Jouannais lui-même n'improvise pas : il s'exprime dans une langue extraordinairement claire et précise et lit ses entrées et ses sous-entrées dans l'ordre alphabétique. Et c'est peut-être ce contraste entre la précarité du projet et le luxe de sa réalisation qui, tous les mois, nous ramène dans cette petite salle aux fauteuils rouges à Beaubourg.
Une grande partie du public (c'est un sentiment, on n'a pas fait de sondage) semble issue du monde de l'art contemporain : l'auteur est d'abord connu comme critique d'art et commissaire d'exposition. Pourtant, l'Encyclopédie des Guerres n'a rien à voir avec une performance comme on peut en voir dans une galerie ou un musée. Grand amateur (et penseur) de l'« idiotie », Jouannais parle de son projet comme d'un exercice à la Bouvard et Pécuchet : à l'image des deux antihéros de Flaubert, qui ne connaissent du monde que ce qu'ils en lisent, il essaie d'appréhender la guerre par les bibliothèques.
Et l'on aura plutôt l'impression d'assister à l'un de ces séminaires des années 1970 où des intervenants pensaient chaque semaine à haute voix devant un public disparate. On écoute l'orateur triturer la question de la guerre dans tous les sens et formuler des hypothèses pour essayer d'élucider la place que le phénomène tient dans sa vie. Certaines des pistes évoquées semblent fécondes, d'autres tombent rapidement à plat. Quant on repart de Beaubourg poussé par les gardiens impatients de fermer le musée, c'est d'ailleurs tout ce qu'on emporte : des conjectures et des questions. Mais dans une époque où tout le monde cherche à nous faire avaler ses certitudes, ses réponses et ses analyses, c'est suffisant pour nous faire revenir à la prochaine séance, à Beaubourg, à 19h30, dans la Petite Salle. »
Philippe Vasset in Les Inrockuptibles, n° 680, 9 décembre 2008.
Quand
À partir de 19h30