Festival / Soirée
Web Flash Festival
Conférence Web documentaire "La cité des mortes" - Upian
27 mai 2006
L'événement est terminé
Conférence Web documentaire "La cité des mortes" - Upian
Alexandre Brachet (Upian), Marc Fernandez et Jean-Christophe Rampal (journalistes et auteurs du livre « La ville qui tue les femmes », Hachette Littératures) expliqueront la genèse et la réalisation du web documentaire La cité des mortes.
En complément du livre-enquête, ce site propose aux internautes une découverte interactive de la ville de Juarez au Mexique où ont eu lieu depuis 1993 plus de 400 meurtres et 500 disparitions de femmes, sur fond de trafic de drogue, corruption policière et associations de victimes réclamant justice. Proposant à l'utilisateur de construire son parcours dans une interface soignée mêlant cartes, textes, images, vidéos et sons relatifs à l'affaire, ce site pose les jalons d'une nouvelle forme éditoriale sur le web et revendique une réalisation spectaculaire cherchant à provoquer l'émotion.
Le programme
Lacitedesmortes.net est un programme interactif de type Webdocumentaire, qui accompagne le livre La ville qui tue les femmes, enquête à Ciudad Juarez, écrit par Jean-Christophe Rampal et Marc Fernandez. (Edité par hachette Littératures).
Ciudad Juárez, Etat de Chihuahua, nord du Mexique. Particularité : près de 400 femmes assassinées depuis 1993 - la plupart dans des conditions particulièrement atroces -, et 500 disparues. Le fait divers le plus sanglant de l´histoire récente et un scandale judiciaire des plus étonnants. Dix ans après le meurtre de la première victime, retrouvée nue dans le désert qui sépare les États-Unis du Mexique, les autorités n'ont toujours pas identifié les responsables du massacre.
Dix-huit suspects arrêtés, une dizaine de condamnés et les meurtres continuent au même rythme infernal de deux victimes par mois. La « Cité des mortes », comme la surnomment les Mexicains, déjà connue pour l'activité de son puissant cartel de la drogue, a toujours eu mauvaise réputation. Aujourd'hui, elle est considérée comme la capitale mondiale du « féminicide ». La quatrième ville du pays se situe sur la frontière avec les Etats-Unis, en face de sa voisine texane, El Paso. Elle compte 1,5 million d'habitants, dont plus de 250 000 sont employés dans 250 « maquiladoras », ces usines d'assemblage nord-américaines, asiatiques et européennes.
Les auteurs des crimes de Juárez sont sans doute multiples et présentent à l'évidence des profils différents, qui rendent compte de la profonde complexité et perversité de la ville. Les meurtres n'ont pu se multiplier qu'en raison de l'impunité qui règne ici. Le principal suspect dans l'affaire est peut-être la ville elle-même, véritable laboratoire de la mondialisation sauvage.
A l'origine de ce projet, la volonté des auteurs et de professionnels de l'Internet de créer une nouvelle forme éditoriale qui donne une autre dimension au livre. En utilisant les notes, les images rassemblées lors de l'enquête, nous avons choisi de faire vivre les lieux, rencontrer les acteurs et tenter d'approcher une réalité si lointaine.
Webdocumentaire ?
En 2003, lorsque Jean-Christophe Rampal, Marc Fernandez et moi-même abordons l'idée de traiter ensemble l'affaire des mortes de Juarez sur le web, nous employons immédiatement l'expression Webdocumentaire. Ce néologisme nous semble tout à fait naturel. Mais que signifie t-il exactement ? Explications et retour sur mes motivations.
Il me semble que la notion de web documentaire est apparue à la suite du festival organisé par Arte et le Centre Georges Pompidou en décembre 2002. "C'est un documentaire travaillé avec les outils multimédia, textes, images, vidéos, une manière de mettre les nouvelles technologies au service de la connaissance et d'un point de vue." peut-on encore lire sur la présentation de la manifestation. Lacitedesmortes.net s'inscrit à 100% dans cette définition.
Mais pas seulement.
Bonus, Web inédit, complément du livre, programme engagé
Au fur et à mesure que j'explore le sujet, Jean-Christophe et Marc avancent sur leur livre. Et petit à petit l'idée d'une forme éditoriale nouvelle, véritable complément du livre vient s'ajouter à la notion de Webdocumentaire. En effet, à la lecture du manuscrit s'impose l'envie de sentir la ville, de mettre un visage sur les protagonistes, d'entendre les voix de ceux qui osent parler, de rendre hommage à ces jeunes femmes. A ce moment le projet de documentaire sur
Canal+ n'existe pas. Et nous pensons donc que nos sources images, vidéo et son mixés de manière interactive vont apporter au livre une dimension vraiment nouvelle. Aussi lorsque Canal+ entre dans la partie, le projet prend une autre tournure. L'aspect documentaire est traité désormais par des professionnels. Le site va alors basculer encore un peu plus dans la notion de complément livre / site.
Flashback
A la fin de l'aventure presidentielles.net en 2002, j'ai rencontré les responsables du CNC Multimédia, j'ai interviewé des responsables de portails français et lancé quelques appels vers des auteurs qui souhaiteraient considérer le web comme un terrain propice à la production de programmes Internet grand public. A savoir : l'internaute grand public est-il prêt à voir et cliquer sur des contenus fabriqués par / pour et avec le Web qui véhiculeraient des émotions et des messages proche de ceux véhiculés par le cinéma ou le documentaire ? J'étais à cette époque convaincu que sur Internet on peut faire passer des émotions. Et je le suis toujours, évidemment. Lacitedesmortes.net est de mon point de vue de producteur, le programme le plus représentatif de ce mix contenu / émotion. Il me semble important que sur Internet aussi, des programmes reflètent ce qu'est notre monde. Il me semble important que cette nouvelle forme de Webdocumentaire apporte aux internautes ce que le documentaire apporte aux téléspectateurs : un regard éclairé sur le monde, et une mise en perspective d'éléments nous permettant de mieux comprendre les enjeux de notre quotidien. Avec l'interactivité en plus. Nous savons qu'Internet ne permet pas encore de financer ce genre de programme. Mais je reste persuadé que ce média interactif apportera bientôt de plus en plus d'informations, de plus en plus de programmes, vers des audiences de plus en plus importantes. Le haut débit nous amènera sans doute demain à aborder, dans le cadre de nouvelles offres de programmes de télévision interactive, des sujets qui devront être construit pour, et avec, les internautes-téléspectateurs. Il est donc essentiel que des producteurs « spécialisés » commencent à définir de telles offres de programme.
Vision altérée ?
La question du point de vue inhérente à la notion de documentaire, soulève quelques interrogations. Après avoir passé 20 minutes sur lacitedesmortes.net avez-vous réussi à dégager un point de vue clair ? A voir. Peut-être faut-il chercher dans ce trouble la nature même de l'affaire. Peut-être le livre est-il un complément indispensable. Sauf que. L'enjeu fort du site est peut-être à chercher dans la prise de conscience. Pour nous, la valeur du programme tient beaucoup dans notre volonté de porter à la connaissance du public ce terrible drame. De plus, à l'heure où la majorité des programmes télé sont téléguidés et formatés, nous aimons l'idée que la consultation du programme amène à la curiosité, à la recherche personnelle.
Explorer les typologies de contenu
Poursuivons la comparaison avec la définition précédemment citée, et commentons "c'est un documentaire travaillé avec les outils multimédia, textes, images, vidéos, une manière de mettre les nouvelles technologies au service de la connaissance". Les modules radio, photo et vidéos sont 3 exemples de cet adage. La radio au delà de la métaphore graphique qu'elle représente, est une démarche poussée de mise en scène d'un contenu audio. Pour la vidéo, nous avons souhaité faire en sorte que coté utilisateur tout soit transparent afin de préserver au maximum l'émotion de l'hommage notamment. Pas de cadre de vidéo, pas de plug-in, pas de téléchargement. Pour les photos, l'idée de proposer un diaporama basé sur le photoreportage nous a semblé renforcer l'aspect documentaire. Notamment avec l'idée de présenter chaque scène sous 3 angles de vue différents. Enfin la carte. Fabriquée avec des images de Google Earth, cette carte est certainement le programme le plus prometteur pour l'avenir. La cartographie liée à l'interactivité ouvre des voies vraiment intéressantes. Nous sommes conscients de ne pas avoir eu le temps de les explorer au maximum. La prochaine fois peut-être.
Présentation Générale de l'affaire
Près de 400 femmes assassinées, la plupart dans des conditions particulièrement attroces, et 500 disparues, à Ciudad Juárez depuis 1993. Les chiffres varient selon les interlocuteurs : police locale ou nationale, familles des victimes, juges, avocats ou experts. Une seule certitude: c´est le fait divers le plus sanglant de l´histoire récente et le scandale judiciaire le plus étonnant.
Car dix ans après le meurtre de la première victime, retrouvée nue dans le désert qui sépare les États-Unis du Mexique, les autorités ne peuvent toujours pas désigner les responsables du massacre ni donner une explication convainvante à la tragédie.
Présentés à l´opinion publique comme les principaux responsables de la tuerie, 18 suspects ont été arrêtés et une dizaine condamnés. Les assassinats ont pourtant repris de plus belle après leur détention. Depuis le début de l'année 2005, quatre nouveaux féminicides se sont produits.
La "Cité des mortes", la quatrième ville du pays, se situe sur la frontière avec les Etats-Unis, en face de sa jumelle américaine d'El Paso. Elle compte 1,5 millions d'habitants. Une ville hors normes : elle est le bastion de l'un des plus importants cartels de la drogue d´Amérique latine et l'un des points frontaliers les plus transités de la planète. Chaque année, 55 millions de personnes, de voitures et de camions passent la « Línea » qui sépare le Mexique du Texas et Ciudad Juarez d'El Paso. Environ 150 000 par jour. Un trafic quasi impossible à contrôler.
300 tonnes de cocaïne colombienne environ pénètrent chaque année aux États-Unis. Le tiers passerait par ici. La présence des narcos est palpable dans la ville. Villas millionnaires retranchées dans de nouveaux quartiers résidentiels, discothèques rappelant les grandes années de la narco-architecture à Medellín où la dope circule librement, centres de paris sportifs servant au blanchiment d'argent, 4x4 aux vitres fumées et sans plaques d'immatriculation, ...Et, partout, des hommes armés.
Ciudad Juárez héberge en outre des centaines de milliers de travailleurs employés dans 250 maquiladoras, installées aux limites du désert. Ces usines d'assemblage délocalisées nord-américaines, asiatiques et européennes appartiennent à Ford, Chrysler, Thomson, General Electric, Siemens ou Electrolux. L'installation en masse de ces entreprises étrangères au début des années 90 (elles ont réalisé un chiffre d'affaires de 60 milliards de dollars en 2001) l'a transformé en un pôle industriel et commercial important. Conséquence immédiate : une arrivée massive de travailleurs, attirés par la possibilité de trouver un emploi, même si celui-ci est mal rémunéré (environ 6 dollars par jour).
80 % de la population de la ville vient de l´intérieur du Mexique. La majorité de ces migrants sont des femmes, jeunes, peu spécialisées, corvéables à merci. Métisses pour la plupart, mais aussi indiennes, originaires des états réservoirs de chômage du sud du pays: Oaxaca, Guerrero, Michoacan, entassés dans les bidonvilles qui cernent la ville, le plus souvent collés à la frontière américaine.
Les auteurs des crimes de Juárez sont sans doute multiples et présentent à l'évidence des profils différents, qui rendent compte de la profonde complexité et perversité de la ville. Les meurtres n'ont pu se multiplier qu'en raison de l'impunité qui règne ici.
Le principal suspect dans l'affaire reste peut-être la ville elle-même.
Quand
17h45 - 18h45