La Fleur polychrome

Cette grande sculpture en ciment est l’une des plus importantes réalisations de Léger dans le champ nouveau qu’il explore à partir de 1950 : la céramique polychrome. Il associe d’emblée cette nouvelle pratique à sa préoccupation d’un art mural, qui puisse transcender les limites du tableau, objet transportable, objet intime en définitive.

Son texte, qui préface sa seconde exposition de panneaux et de sculptures en céramique à la galerie Louis Carré (16 janvier-28 février 1953), rend bien compte du contexte, et aussi de l’espoir qu’il met dans cette nouvelle inflexion de son parcours : « Cette seconde exposition de sculptures polychromes marque une évolution très nette vers un but de coopération architecturale. J’ai eu cette préoccupation dès l’origine, mais j’ai commencé prudemment en prenant mes tableaux de chevalet comme point de départ. Maintenant, un “art mural” se précise avec toutes ses possibilités : utilisation à l’intérieur ou à l’extérieur, emprise statique ou dynamique, accompagnement du mur ou destruction de ce mur.

Une dernière évolution est en route avec la “Fleur qui marche”, cette grande sculpture polychrome qui appartient au Musée d’art moderne.

Nous avons eu de grosses difficultés techniques. Elles ont été résolues, en tenant toujours compte de cette loi des contrastes qui est la raison de l’édification de toute mon œuvre.

Je pense que des “faits plastiques nouveaux” sont présents chez Louis Carré » (« Vers l’architecture », Fernand Léger : Sculptures polychromes et céramiques , cat. exp., Paris, galerie Louis Carré, 1953).

À la différence des panneaux de céramique, La Fleur polychrome (réalisée avec la collaboration du céramiste René Brice, installé à Biot) a le mérite en effet de n’être plus une simple transposition en léger relief de motifs déjà (et mieux) traités dans les deux dimensions du tableau. Même si cette fleur de tournesol est issue du répertoire formel habituel de l’artiste, sa dimension, sa matière (un mélange de ciment et de plâtre), sa présence effective dans l’espace, le jeu contrasté des couleurs sur ses deux faces en font un objet dynamique pleinement autonome et véritablement monumental.

Isabelle Monod-Fontaine

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007