Femme debout II
[1959 - 1960]
Femme debout II
[1959 - 1960]
Ces figures « n'en finissent pas d'avancer et de reculer dans une immobilité absolue », tout en créant « leur espace infini. » (Jean Genet, écrivain)
Figée dans une position hiératique, les bras collés au corps, les jambes presque soudées entre elles, les pieds surdimensionnés englués dans le sol, cette figure féminine semble sortie de la nuit des temps. Sa hauteur, qui surpasse celle de la série précédente des Femmes de Venise (1956), lui confère une dignité quasi sacrée qui donne au spectateur l'impression d'appartenir à un autre monde.
Domain | Sculpture |
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Techniques | Bronze |
Dimensions | 275 x 32 x 58 cm |
Acquisition | Achat de l'Etat, 1964 |
Inventory no. | AM 1707 S |
Detailed description
Artist |
Alberto Giacometti
(1901, Suisse - 1966, Suisse) |
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Main title | Femme debout II |
Title given | Grande femme II ; Femme nue |
Creation date | [1959 - 1960] |
With | Fondeur : Susse Fondeur, Malakoff (France) |
Domain | Sculpture |
Techniques | Bronze |
Dimensions | 275 x 32 x 58 cm |
Printing | Ex.: 6/6 |
Inscriptions | S.N.B.G. sur la terrasse : Alberto Giacometti 6/6 |
Acquisition | Achat de l'Etat, 1964 |
Collection area | Arts Plastiques - Moderne |
Inventory no. | AM 1707 S |
Analysis
Figée au garde-à-vous dans une position hiératique, les mains collées au corps, les jambes presque entièrement soudées entre elles, les énormes pieds cunéiformes englués au sol mais qui semblent prêts à se mouvoir, la haute et puissante figure possède la majestas d’une statue sortie de la nuit des temps : sa dimension extraordinaire, qui surpasse de loin la hauteur habituelle de la série précédente des « Femmes de Venise » (1956), lui donne une dignité quasi sacrée ; elle suscite, chez qui la regarde, l’impression d’appartenir à un monde autre. Hissant sa nudité dans une solitude d’indifférence, elle est là, telle une déesse pétrifiée, asexuée, la tête plate sans cheveux, le regard frontal, les épaules carrées, le cou musclé ; seule la rondeur des hanches et des seins indique qu’il s’agit d’une femme.
Conçue à l’origine pour faire partie d’un projet monumental (ensuite abandonné) pour la Chase Manhattan Bank à New York, dont l’architecte Gordon Bunschaft passe commande à Giacometti en 1958, Figure debout devait être accompagnée d’un Homme qui marche et d’un Buste d’homme , chacun de ces trois éléments étant placé sur sa propre base (parti contraire à celui des plateformes communes de La Clairière (1950) et des autres « Places » exécutées dans les années 1950, après le premier Projet pour une place de 1931). Giacometti en réalise trois études de maquettes en 1959 (qui furent coulées en bronze), et partant d’elles, commence à travailler fiévreusement dans l’espace extraordinairement exigu de l’atelier parisien, à des figures de très grandes dimensions : quatre Femme debout , deux Homme qui marche , deux grandes Tête modelées d’après son frère Diego, qui sont aussitôt coulées en bronze, demeurent de ce travail acharné et sans fin, semble-t-il, Giacometti transformant, détruisant et refaisant chaque figure. L’enjeu était pour lui d’éprouver jusqu’où il pouvait aller dans la taille des figures, dans le calcul de l’échelle nécessaire pour faire contrepoids à la façade écrasante du gratte-ciel américain : problème d’échelle qui est au cœur du propos plastique du sculpteur, familier des montagnes des Grisons. « Cela m’intéressait, dit-il à David Sylvester, de découvrir la hauteur maximum que je puis atteindre à la main. Hé bien [sic], ces grandes figures de femme sont précisément d’une hauteur maximum. Elles sont déjà presque au-delà de toute possibilité, et en ce cas, nous parlons de quelque chose de complètement imaginaire. »
Un défi, un état limite voué à l’impossibilité, toute giacomettienne, d’un achèvement final : bien que les ayant « testées » dans l’espace urbain (une photographie de Ernst Scheidegger montre un grand plâtre peint de Femme debout , sorti dans la cour de l’impasse Hyppolite-Maindron et placé à coté d’un escalier, une autre encore installée dans la rue), Giacometti renonça à envoyer les figures achevées sur la piazza de la Chase Manhattan, les laissant à leur sort solitaire de statues éléphantines originelles. Les bronzes du projet abandonné furent exposés en diverses combinaisons, ainsi à la Biennale de Venise de 1962, avant de trouver une configuration permanente sur la terrasse de la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, en 1964, année de la deuxième fonte commandée par Aimé Maeght.
Agnès de la Beaumelle
Source :
Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007