Cavalier seul avec Bartabas
On ne présente plus Bartabas, le célèbre écuyer, fondateur du théâtre équestre Zingaro. Sa relation au Centre Pompidou, et à l’Ircam (Institut de recherche et de coordination acoustique/musique), remonte aux années 1990 où il s’associe à Jean-Pierre Drouet pour son Opéra équestre. Plus tard, en 2000, il reprend le Dialogue de l’ombre double de Pierre Boulez pour le volet central de son Triptyk. Le voici de retour pour une nouvelle création, accompagné par le designer sonore Manuel Poletti : un seul-en-scène silencieux, intimiste, autour d’un homme et de son cheval. Bien loin des dizaines de chevaux que peuvent compter ses spectacles, comme si la pandémie, là encore, dictait sa loi.
Le Centre Pompidou, c’est Pierre Boulez. Notre première collaboration avec l’Ircam vient de là. J’en garde un souvenir mémorable. L’orchestre autour du cercle était à vue. Boulez dos à la piste. Un grand souvenir. Alors j’ai tout de suite pensé à l’Ircam pour ce nouveau spectacle.
Bartabas
Quel a été le point de départ de ce projet ?
Bartabas – Il s’agissait de montrer un homme et un cheval qui s’écoutent et qui s’apprennent mutuellement. Je ne voulais pas l’accompagner d’une musique, je souhaitais qu’on entende ce que moi j’entends grâce à un micro placé sous la sangle de la selle : respirations, soupirs, bruits du ventre, articulations… J’invite le public à entrer dans cette intimité fondée sur le son. Au tout début nous avions prévu de faire un voyage sonore avec un important travail sur les sons, les bruits du cheval, comme le pas d’un cheval qui marche dans la neige, dans l’eau. On a vite abandonné, c’était trop anecdotique, je voulais revenir à l’intime.
Même s’il y a un canevas, c’est un spectacle qui ne se répète jamais. Tout en discrétion. Le travail de mise en espace sonore doit être presque imperceptible. Ce spectacle est une épure.
Bartabas
Quelle est la particularité de ce spectacle ?
B – D’abord, je suis tout seul en scène. Un vrai pari. Chaque matin (les représentations ont lieu à 10 heures 30, ndlr) je vais faire ce que me demande le cheval. C’est vraiment un dialogue. Il y a une vraie perte de conscience personnelle, une improvisation dirigée par le cheval. Un peu comme un danseur qui chaque jour ferait un entraînement différent. Même s’il y a un canevas, c’est un spectacle qui ne se répète jamais. Tout en discrétion. Le travail de mise en espace sonore doit être presque imperceptible. Ce spectacle est une épure. Parfois, on a ajouté un peu de résonance, parfois on a dédoublé le son. Lorsque le cheval assemble des airs d’école, on a comme l’impression qu’il génère sa propre musique. Il fallait bien garder à l’esprit ce que devait être la réalité du spectacle, et non se laisser dépasser par la recherche, la technique. Il fallait rester au service de l’intimité homme-cheval.
Ce cheval s’est-il imposé à vous ?
B – Il est même à l’origine du projet. Tsar est le dernier cheval que je travaille, il n’est pas encore complètement éduqué. Ce qui induit une démarche plus qu’un résultat, d’ailleurs. C’est un cheval très particulier. Un bai brun immense, qui mesure 1,95 mètre au garrot. Il a une vraie présence. Il faut travailler très en douceur avec lui.
Quelle est la place de la musique, du son dans votre travail ?
B – Auparavant, je travaillais beaucoup mes chevaux en musique, ça m’aidait à me concentrer. J’ai fait ça pendant longtemps. Maintenant, quand je travaille un cheval, je suis entièrement à son écoute, à celle de sa musique. Le rapport au son m’a toujours intéressé. J’essayais d’effacer le son produit par le cheval dans mes spectacles précédents. Je mettais les musiciens en avant et ne voulais pas qu’on entende le cheval. D’ailleurs, mes sols amortissent l’impact des pieds. Un danseur classique, par exemple, fait un sacré bruit en retombant sur scène. Mais le public ne l’entend pas grâce à l’orchestre dans la fosse. Alors imaginez le bruit produit par un animal de 600 kilos… Pour Entretiens silencieux, on est dans la démarche contraire : rendre audible ce dont on privait le public jusqu’alors. Ça c’est nouveau. ◼
16 décembre 2020 - 3 janvier 2021
Théâtre équestre Zingaro
Informations sur les nouvelles dates et billetterie :
https://zingaro.fnacspectacles.com/
Bartabas scénographie, conception et mise en scène
Manuel Poletti création et mise en espace sonore Ircam
Paul Boulier, Clément Cerles ingénierie sonore Ircam
Avec Bartabas et son cheval Tsar
Production Théâtre équestre Zingaro
Coproduction Festival d’Automne à Paris, Ircam-Centre Pompidou
Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris