Le cube jaune

Après les sculptures de pierres et d’os, Toni Grand entreprend, à partir de 1986, une série d’œuvres incluant des anguilles et des congres, qu’il qualifie de « matériau sans valeur, sans détail ou anecdote repérable ni histoire », ne souhaitant utiliser que des éléments ordinaires. Pour lui, en effet, « le poisson est banal ». Cette sculpture est composée selon une structure cubique formée par les corps de douze anguilles noyées dans une résine translucide et rosâtre. Elle met en évidence le contraste entre les matières naturelles et artificielles, vivantes-mortes et inertes, opaques et transparentes, entre la courbe possible des anguilles et la rectitude géométrique du cube qui mesure l’espace en trois dimensions selon un motif de cage dans laquelle les poissons s’enferment eux-mêmes. En confrontant l’organique et le structurel, Toni Grand propose une œuvre énigmatique qui « lie le spectateur à l’espace tout en le déliant d’elle-même » et qui, selon Didier Semin, « habite l’espace qu’elle organise sans bavardage, à un point de silence proche de ce que l’on pourrait appeler l’ informe  ».

Nadine Pouillon

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007