Ludivine Bantigny

Les mots majeurs de 1968 sont ceux de contestation et d’insubordination. Les protagonistes des barricades et des occupations prennent le temps, ce temps que la grève laisse, pour lézarder l’écorce des conventions sociales. Les imaginaires contestataires rompent avec ce qui va de soi, pour mieux révéler en quoi il ne va pas. Les hiérarchies, les classements et les identités sont interrogées. Des potentialités s’entrouvrent et laissent apercevoir ce que pourrait être un monde différent. Comme nous le disent des centaines d’archives, 1968 est pétri d’expériences sensibles et affectives : émotions politiques s’il en est, dans la joie de bousculer l’ordre des choses, de rire au nez de ce monde et de l’imaginer autrement ; émotions politiques aussi dans la frayeur de certains et les tensions attisées. Il s’agit donc de donner plein crédit à ce qui est éprouvé, imaginé et ressenti.

Ludivine Bantigny, historienne, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, Université de Rouen.