Femme égorgée
1932 / 1940
Femme égorgée
1932 / 1940
Acephalous almost, legs splayed, unfleshed ribs outspread, arching up in a final, powerful spasm in which agony and ecstasy are united, Alberto Giacometti’s Femme égorgée reveals how close to each other are Eros and Thanatos, the drive to life and the drive to death discussed by Freud and Bataille among others. This is a “disagreeable object, to be thrown away,” as Giacometti called his Surrealist works: a threatening thing, unstable and unidentifiable, but of a “convulsive” beauty simultaneously female (breasts, legs), animal (spider, praying mantis or scorpion) and vegetal (leaf and stem).
Domain | Sculpture |
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Techniques | Bronze, patine dorée |
Dimensions | 21,5 x 82,5 x 55 cm |
Acquisition | Achat avec la participation du Fonds du Patrimoine, 1992 |
Inventory no. | AM 1992-359 |
Detailed description
Artist |
Alberto Giacometti
(1901, Suisse - 1966, Suisse) |
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Main title | Femme égorgée |
Creation date | 1932 / 1940 |
With | Fondeur : Fonderie Alexis Rudier, Paris (France), 1940 |
Domain | Sculpture |
Techniques | Bronze, patine dorée |
Design stage | 1932-1933/1940 |
Dimensions | 21,5 x 82,5 x 55 cm |
Printing | ex. n° 2/5 |
Inscriptions | S.D.N. : [sous la main] A Giacometti / 1932 2/5 |
Notes | Cet exemplaire, comme celui du Musée Guggenheim à Venise (ex. 1/5), a été tiré d'après le plâtre de 1932 détruit au moment de la fonte chez Alexis Rudier en 1940. Les trois autres exemplaires en bronze, à la Fondation Alberto Giacometti à Zürich (ex. 3/5), au Museum of Modern Art à New York (ex. 4/5) et au Scottish National Gallery of Modern Art à Edinbourg (ex. 5/5), ont été tirés chez Rudier en 1949 d'après le bronze du MNAM. |
Acquisition | Achat avec la participation du Fonds du Patrimoine, 1992 |
Collection area | Arts Plastiques - Moderne |
Inventory no. | AM 1992-359 |
Analysis
Créée en plâtre fin 1932 (ce plâtre, détruit lors de la fonte, est connu par une photographie de Brassaï prise dans l’atelier de la rue Hyppolite-Maindron, et publiée dans Minotaure , n o 3-4, décembre 1933), cette sculpture spectaculaire est l’une des plus hallucinées de la période surréaliste de Giacometti. Fait rare dans son œuvre, elle est l’aboutissement d’une longue maturation : après le Relief grillagé d’une créature-objet embrochée par une pointe oblique, réalisé en 1929-1930, et qui rejoindra l’appartement de G-H. Rivière (photographie parue dans Art et Industrie , n o 8, 1930), ou encore le biomorphique Femme, tête, arbre (1930), deux réalisations, aujourd’hui également détruites ou disparues, l’ont précédée directement : Femme en forme d’araignée (1930), commandée par P. David-Weill (photographie de Marc Vaux) et Femme angoissée dans une chambre la nuit (photographie de Man Ray dans Cahiers d’art , n o 8-10, 1932), qui paraissent sur un des deux dessins de L’Atelier (1932, Bâle, Kunstmuseum). Cinq dessins connus (deux au Musée, AM 1975-92 r/v ; un à la Saatsgalerie de Stuttgart ; un autre encore reproduit dans Minotaure , n o 3-4, 1933 ; un enfin, à la Scottish Gallery d’Édimbourg) en offrent des versions proches et des commentaires. À chaque fois, il s’agit d’un corps de femme-insecte gisant au sol, « la carotide tranchée », rappelle Giacometti à Pierre Matisse, répondant à sa fascination ancienne (mêlée d’attraction/répulsion) pour les araignées et les scènes de meurtre et de viol, dont le souvenir lui est revenu : il en donne le récit dans « Hier, Sables mouvants » ( SSDLR , n o 5, 15 mai 1933). En 1946, dans « Le Rêve, le Sphinx et la Mort de T. » ( Labyrinthe , n o 22-23), il dira encore l’effet panique ressenti à la vision hallucinatoire d’une araignée jaune écrasée au sol, assimilée à la peau d’un cadavre.
« Entre le vif et le mort », obsession giacomettienne par excellence : cette Femme égorgée et violée, jambes écartées, côtes ouvertes et décharnées, et déjà presque acéphale, se soulève du sol en un arc puissant, tendue dans un ultime spasme et un dernier cri qui tiennent de l’agonie et de l’orgasme. Elle a certes le statut d’« objet désagréable, à jeter », ainsi défini par Giacometti pour désigner sa production surréaliste : un objet mobile, menaçant, à écraser au sol, car non identifiable, instable ; à la fois féminine (seins, jambes), animale (araignée, serpent, mante religieuse ou scorpion) et végétale (feuille, tige, cosse de la vulve), cette créature est ambivalente, pleinement métamorphique, et par là d’une inquiétante étrangeté. Dans cette version en bronze patiné jaune (ex. 2/5, anc. coll. Pierre Matisse), la créature de convulsion possède toute la beauté « solaire », l’horreur sordide et « sacrée » des figures transgressives que Bataille a mises en scène dans Histoire de l’œil (1928) et dans Mme Edwarda (1932), ainsi que tout au long de sa revue Documents.
Agnès de la Beaumelle
Source :
Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007