Exposición / Museo
Harun Farocki
Images contre elles-mêmes
23 nov 2017 - 7 ene 2018
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« Il faut être aussi méfiant envers les images qu’envers les mots, écrivait Harun Farocki. Images et mots sont tissés dans des discours, des réseaux de significations. […] Ma voie, c’est d’aller à la recherche d’un sens enseveli, de déblayer les décombres qui obstruent les images ». À travers des vidéos et des installations des trente dernières années, l’exposition Images contre elles-mêmes invite à découvrir l’étendue de la réflexion critique qu’a conduite le cinéaste sur les images contemporaines, qu’elles proviennent du cinéma, du marketing, des médias, des technologies de surveillance, des « armes intelligentes » qui remplacent l’œil humain sur les fronts militaires, ou encore des jeux vidéo. C’est au milieu des années 1990 que Farocki étend son travail, d’abord pensé pour le cinéma et la télévision, à la forme d’installations spatialisées. Avec l’internet qui se développe alors, l’œuvre s’attache à poursuivre les images sur leur nouveau terrain, car il devient clair qu’elles ne seront plus données dans une expérience frontale et statique, mais dans un flux continu et fragmenté, omniprésent.
Vidéos en boucle et projections multiples invitent à un regard distancié sur les matériaux que l’auteur assemble et réassemble, offrant matière à plus d’une lecture. Le montage est pour lui une « pensée gestuelle », il met le corps en mouvement et engage tant la réflexion que l’action. Son œuvre résonne aujourd’hui comme un outil lucide et intact.
Quando
11:00 - 21:00, todos los días excepto martes
Dónde
Parallèle I-IV Parallel I-IV
De Harun Farocki
Allemagne, 2012-2014, 6 projections vidéo, fichiers numériques 4/3, 16’, 9’, 7’, 11’, coul., sonore, version française
Dans l’une de ses dernières grandes installations, Harun Farocki développe une analyse de l’animation graphique par ordinateur (Computer Graphic Animation, CGA) et de son évolution. Ce mode de fabrication des images semble amené à supplanter l’image photographique du film dans la représentation du monde. Parallèle I s’intéresse à l’histoire de cette technique depuis les premiers jeux des années 1980 et leur univers schématique construit à partir de lignes verticales et horizontales. L’histoire de l’art, observe Farocki, attribue une grande valeur artistique au moment primitif d’une technique, à l’inverse de l’industrie du jeu. Parallèle II et III examinent l’« envers du décor » de l’image du jeu vidéo, faisant apparaître une structure récurrente de disques flottant dans l’univers qui rappelle certaines représentations antiques du monde. Parallèle IV, enfin, observe les héros des jeux vidéo, « des homoncules, des êtres anthropomorphes créés par des humains » avec lesquels, nous dit Farocki, on joue « en partageant la fierté du créateur ».
Où en êtes-vous, Christian Petzold ?
De Christian Petzold
France, 2017, DCP, 12’environ, coul., vostf, inédit
Film produit par le Centre Pompidou et les Films du Losange, avec le soutien d’Arte France Cinéma
« Où en êtes-vous ? » est une collection initiée par le Centre Pompidou, qui passe commande à chaque cinéaste invité d’un film de forme libre, avec lequel il répond à cette question à la fois rétrospective, introspective, et tournée vers l’avenir, ses désirs, ses projets.
À partir de films américains, Christian Petzold discute avec Christoph Hochhäusler de sa conception du cinéma et de la mise en scène et évoque le travail avec Harun Farocki qui fut son enseignant et ami, et qui a collaboré à tous les scénarios des films de Christian Petzold jusqu’à sa disparition en 2014.
Le Rôle de leader Die führende Rolle
De Harun Farocki
Allemagne, 1995, vidéo Betacam SP 4/3 numérisée, 35’, coul., sonore, vostf
Cinq ans après la chute du mur de Berlin, Harun Farocki examine la manière dont les journaux télévisés ont tenté, jour après jour, de saisir et de cristalliser une image emblématique de l’événement qui était en train de se produire, en vain. Ce montage parle d’une « image absente » et plus globalement d’une impossibilité de représenter, dans le temps direct des médias, l’échelle humaine, sociale et politique de cet événement. « Aujourd’hui, cinq ans après, écrit Farocki, ce matériau montre à quel point la conscience collective a été affectée par l’événement, et les efforts produits pour réprimer le trauma. »
Dévorer ou voler Fressen oder Fliegen
De Harun Farocki et Antje Ehmann
Allemagne, 2008, 6 vidéos sur écrans LCD 4/3, 33’, nb et coul., sonore.
Cette installation en six écrans livre une recherche sur les héros masculins tragiques à travers l’histoire du cinéma. « Certains dissèquent les oiseaux dans le but de les manger, d’autres pour découvrir comment voler », écrit Farocki. Avec la même volonté de « nous inculquer une conscience du langage cinématographique » qui l’animait lorsqu’il travaillait à Sorties d’usines (1995) ou L’Expression des mains (1997), Farocki poursuit avec Antje Ehmann l’édification d’une archive des expressions filmiques. Ils répertorient ici les derniers moments de ces personnages évoluant vers une fin tragique. À travers des films de Claude Chabrol, Pier Paolo Pasolini, Gus van Sant, Jean-Luc Godard ou encore Christian Petzold, les artistes pensent en rapprochant et confrontant images et plans : quels gestes, quelles expressions ? Quels dialogues, quels silences ? Quels angles, quels cadres, quels mouvements de caméra ? Quelles distances, quelles durées ?
L’Expression des mains Der Ausdruck der Hände
De Harun Farocki
Allemagne, 1997, vidéo Betacam SP 4/3 numérisée, 30’, nb et coul., sonore, vostf
« Les premiers gros plans de l’histoire du cinéma, écrit Farocki, ont été dirigés sur le visage humain, les suivants sur les mains. […] Qui est un homme, le film le lit sur son visage, et c’est là aussi qu’il cherche son âme. Aux mains, il reste le domaine pulsionnel. Les mains sont comme les petites gens : on ne peut pas très bien les différencier, elles font leur travail et ne comptent pas beaucoup. La main filmée met l’imagination au défi de la prendre pour un petit animal rampant. Il y a tout un genre, où la main abandonne le service de son propriétaire et se rend autonome… » Dans cette analyse filmique, Farocki traverse l’histoire du cinéma depuis le film muet, où s’amorce un véritable langage de gestes, jusqu’à l’exaltation du travail manuel dans le cinéma de propagande en Allemagne et aux États-Unis autour de la Seconde Guerre mondiale.
Section Schnittstelle
De Harun Farocki
Allemagne, 1995, diptyque vidéo sur deux téléviseurs 4/3, Betacam SP numérisée, 25’, coul., sonore, vostf
C’est avec cette installation que l’œuvre d’Harun Farocki est entrée dans les arts plastiques. Un dispositif se met en place : celui de la comparaison entre deux images, mettant comme l’observe Christa Blümlinger « le spectateur devant un choix, comparable à celui dans lequel le cinéaste se trouve dans sa salle de montage. » Section est une sorte d’autoportrait rétrospectif qui met à distance critique le travail de l’auteur lui-même. Farocki s’y montre au point d’intersection entre plusieurs travaux antérieurs, spatialisant le montage – un montage immatériel produit sur ordinateur – d’un écran à l’autre, invitant à un regard oblique et mobile. Plusieurs œuvres y sont commentées, de Feu inextinguible (1969), célèbre réquisitoire contre la Guerre du Vietnam où Farocki se livre à une action radicale sous l’œil de la caméra, à Vidéogrammes d’une révolution (1993), analyse de la chute du président roumain Nicolae Ceauşescu captée en direct par la télévision.
Doublage Dubbing
De Harun Farocki et Antje Ehmann
Allemagne, 2006, vidéo sur écran LCD 16/9, fichier numérique, 3’, coul., sonore
La célèbre réplique « You’re talking to me ? » traduite par « C’est à moi que tu parles ? », de Robert De Niro/ Travis Bickle dans le film de Martin Scorsese, Taxi Driver (1976), est le centre de cette installation. Pendant trois minutes en boucle, le personnage se répète, doublé en même temps que sous-titré dans plusieurs langues. Les décalages, multiples, décuplent l’effet comique de la séquence : incongruité de De Niro parlant successivement toutes les langues avec toutes sortes de voix, écarts entre les doublages et les sous-titres qui font bégayer la langue. Avec la voix, tout change : la perception du jeu de l’acteur, l’interprétation de la séquence. L’image originale s’en trouve dénaturée.
Je croyais voir des prisonniers Ich glaubte Gefangene zu sehen
De Harun Farocki
Allemagne, 2000, diptyque vidéo, Betacam SP 4/3 numérisée, 23’, coul., sonore, vostf
Cette œuvre part d’images filmées par une caméra de surveillance dans une prison de haute sécurité à Corcoran, Californie. Des prisonniers marchent dans une cour pour leurs trente minutes de promenade quotidienne. Lorsqu’un prisonnier en agresse un autre, le reste du groupe se précipite au sol ventre à terre, les mains sur la tête. Ils savent ce que la surveillance vidéo induit immédiatement : un avertissement accompagné de balles en caoutchouc, qui deviendront des balles réelles si le trouble ne cesse pas. Du contrôle panoptique à distance de l’espace carcéral à celui des supermarchés où l’observation du comportement des consommateurs est mise au service du marketing, Farocki analyse le rôle de la vidéosurveillance dans l’assujettissement des esprits
Jeux sérieux IV. Un soleil sans ombre Serious Games IV. A Sun without a Shadow
De Harun Farocki
Allemagne, 2010, diptyque vidéo, fichier numérique 4/3, 8’, coul., sonore, vostf
À l’automne 2009, Farocki filme dans un camp d’entraînement dans la Base du Corps des Marines 29 Palms en Californie. Il observe les jeunes recrues s’exerçant à la guerre dans un Afghanistan de synthèse et les médecins chargés de traiter les traumatismes psychiques en s’aidant de ces mêmes logiciels de simulation. Farocki interroge également le concepteur de ces programmes d’illusion immersive, utilisant des ressorts et un habillage en tous points semblables à ceux des jeux vidéo. Le quatrième et dernier épisode de cette série revient sur cette spirale de confusions entre jeux, entraînement et thérapie par un flux d’images et de sons qui touchent profondément le système sensoriel et cognitif. Une spirale qui est aussi une industrie portée par l’État Américain.
Sur la construction des films de Griffith Zur Bauweise des Films bei Griffith
De Harun Farocki
Allemagne, 2006, diptyque vidéo sur 2 téléviseurs 4/3, Betacam SP numérisée, 8’, nb, silencieux, intertitres stf
Cette installation en double écran offre une réflexion sur les films de D. W. Griffith et à travers eux, sur « les rudiments d’un art appelé cinéma » (Raymond Bellour). De séquences d’un court métrage, The Lonedale Operator (1911), à Intolérance (1916), Harun Farocki étudie l’évolution du découpage de l’espace et des plans chez Griffith, et principalement l’utilisation nouvelle du champ-contrechamp dans une scène dialoguée. « Avec la figure du champ-contrechamp qui existe maintenant depuis quatre-vingt-dix ans et apparaît quasiment dans tous les films à chaque séquence, l’espace narratif est divisé en deux. Je voulais montrer cette disjonction en présentant les images de champ et de contrechamp sur deux écrans différents. » Harun Farocki.
Oeil/Machine III Auge-Machine III
De Harun Farocki
Allemagne, 2003, diptyque vidéo, fichier numérique 4/3, 25’, coul., sonore, vostf
Oeil/Machine III est la dernière d’une série de trois études nées en réaction aux machines de visions utilisées en 1991 pendant la Guerre du Golfe. C’est dans ce contexte que sont apparues publiquement les images prises par les projectiles au moment de frapper leur cible. L’œil humain cesse de jouer un rôle dans la production des images et dans la manière dont elles interprètent le réel. Dans ce troisième volet, Farocki se penche plus particulièrement sur les images dites « opératoires », c’est-à-dire faisant partie d’un processus informatique entièrement automatisé qui procède par comparaison pour déclencher ou non une action. En d’autres termes, ces images sans auteur déterminent les décisions prises par un logiciel et l’action qui en résulte sans intervention humaine.
In-Formation
De Harun Farocki
Allemagne, 2005, vidéo DV 4/3 transférée sur fichier numérique, 16’, nb et coul., silencieux, titres stf
Harun Farocki a entièrement construit cette œuvre sur l’immigration à partir du langage des pictogrammes et diagrammes utilisés dans la presse, les brochures pédagogiques, les documents administratifs produits par le gouvernement. « Ils sont anachroniques, écrit Farocki, ils renvoient aux allégories politiques du 19e siècle […] leur abstraction étale une impuissance touchante. Nous avons pris des exemples de diagrammes dans des journaux, des livres d’école et des publications officielles et les avons utilisés pour reconstruire l’histoire de l’immigration dans la République Fédérale d’Allemagne. Ce que nous cherchons à faire, c’est une critique conceptuelle de la manière dont l’immigration est représentée, en traçant l’origine des icônes et des symboles et en les examinant du point de vue d’un contenu dont eux-mêmes n’ont pas conscience aujourd’hui ».
Mots-titres, images-choc. Une conversation avec Vilém Flusser Schlagworte, Schlagbilder. Ein Gespräch mit Wilém Flusser
De Harun Farocki
RFA, 1986, vidéo U-Matic 4/3 numérisée, 13’, coul., sonore, vostf
Harun Farocki conduit ici une interview avec le philosophe des médias Wilém Flusser, autour de la page de titre du tabloïd Bild Zeitung – littéralement : le « journal de l’image ». L’impact visuel brutal de la typographie, l’enchevêtrement serré des images et du texte, induisent une lecture privée de toute distance critique. « Pour Vilém Flusser, écrit Farocki, l’invention de la photographie est une invention aussi radicale que celle de l’imprimerie. Avec la photographie commence le développement des images mécaniques : film, image électronique, animation graphique sur ordinateur. Avec ces images techniques s’ouvre un nouvel environnement. Cette conversation devrait représenter quelque chose de la pensée de Flusser. »
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