Les "vents"

Bien que lauréat de la Villa Médicis en 1985, Philippe Favier ne se résout pas à quitter Saint-Étienne pour Rome, où il ne reste jamais plus d’une semaine. Ses œuvres, qui « depuis le début tiendraient dans une petite valise » vont de pair avec celui « qui a horreur de sortir de chez lui ». Après des débuts influencés par l’art conceptuel et le land art, l’œuvre de Favier va apporter une réponse à la grandiloquence de la peinture. Voué au minuscule, son art requiert toute l’attention du spectateur, qui plonge dans un univers lilliputien à la limite du visible, où l’humour, le dérisoire et le poétique prévalent. Les premières images, à partir de 1980, dessinées au stylo à bille ou peintes sur papier avant d’être découpées, se mesurent à la surface du mur où elles sont fixées en une dispersion graphique dans l’espace. Pour aller plus loin, Favier aborde de nouveaux supports : des couvercles de boîtes de conserve, détournés et retouchés pour la gravure, puis des morceaux de verre aux bords brisés, recouverts au dos de peinture noire et de couleurs diaprées. L’émail gratté et gravé oscille entre transparence et opacité. Dans « Les “Vents” », qui reprennent en partie la composition d’œuvres récentes, « Les “Paravents” », une bande noire médiane – portant signature, date et titre – articule et partage la surface en deux, souligne et arrête à la fois le pan de voile soulevé par le vent. Le regard pénètre dans une pièce où porte-fenêtre, tentures et balcon rejouent l’écho visuel des intérieurs matissiens. Entre excès et retenue, les travaux infimes et infinis de Favier ne cessent d’explorer les mondes inconnus et insolites des paysages lointains et intérieurs.

Marielle Tabart

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007