Deleuze / Rossellini

« Parmi les nombreux films que Deleuze cite dans son diptyque sur le cinéma, il en est un qui revient de façon particulièrement insistante : Europe 51. Tout au long de L'Image-temps, nous trouvons pas moins de dix références, directes ou indirectes, au film de Rossellini, le philosophe mentionnant essentiellement la célèbre scène où l'héroïne, Irène, issue de la grande bourgeoisie, se rend à l'usine et déclare à sa sortie : "J'ai cru voir des condamnés". Ainsi se constitue un cinéma de voyant, qui fait de la vision une "arme de combat", comme le précise Deleuze. Dans une formule mystérieuse, il affirme par ailleurs qu'Europe 51 lui fournit son "exemple éternel". En fait, la reprise de cette oeuvre à divers moments de L'Image-temps reste moins soumise à la répétition du même (l'auteur tiendrait à chaque référence un propos identique sur le film) qu'il ne répond à une récurrence différentielle, au sens où chaque mention se confond avec un travail de conceptualisation spécifique, dont les différentes étapes servent à construire la catégorie de "modernité" au cinéma. Il ne s'agit pas de dire qu'Irène (Ingrid Bergman) allégorise le passage d'un âge de l'image à un autre, ni d'appréhender de manière globale une improbable interprétation deleuzienne du film de Rossellini. Il s'agit de mettre au jour, à travers cet "exemple éternel", les problèmes qui conduisent Deleuze à poser au milieu des années 1980 l'existence d'une nouvelle subjectivité, d'une nouvelle éthique et d'une nouvelle philosophie politique, dont la suite se déploiera peu après au sein de son

Foucault. » D.Z.

La projection du film Europe 51 sera suivie d'une conférence de Dork Zabunyan, philosophe.