Cinema
Aventure de lignes
20 Sep 2015
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Dans Aventure de lignes, poème évoquant une peinture de Paul Klee et figurant dans la seconde édition de Passages, Henri Michaux décrit la trajectoire et la « mélodie » que constituent les lignes composites se formant sur la toile. Leur beauté réside d’après lui dans l’aspect transitoire, éphémère, dans le « passage » que révèle le mouvement, constituant ainsi « un nouveau genre d’architecture uniquement à filmer ». De la même façon, dans Malevich at the Guggenheim (1965), la cinéaste américaine Storm de Hirsh transforme l’espace de l’exposition en une surface architecturale appliquant les principes modernistes de l’analyse des formes à l’écriture filmique, isolant ainsi les motifs (peinture) de leur contexte (exposition) pour en dissoudre, par les seuls moyens du cadrage et des mouvements de caméra, le contenu pictural. Dans son film Empty the pond to get the fish (2008), réalisé au Museum des 20. Jahrhunderts à Vienne, l’artiste anglaise Runa Islam parcourt avec sa caméra l’espace architectural d’un musée en cours de réaccrochage. Si les trajectoires de la caméra engagent le film vers l’abstraction – les lignes verticales et horizontales dessinent une suite de rectangles dont la structure évoque celle du ruban filmique – progressivement, des éléments picturaux et des objets exposés viennent s’intégrer dans l’indifférence du cadre. Cette déambulation de l’œil de la caméra convoque celle que parcours le visiteur dans l’espace du musée que l’on retrouve à la fois dans Henry Moore at the Tate (1970) où David Sylvester procède à une visite filmée de l’exposition dont il est le commissaire, mais aussi dans An Impression of Piet Mondrian’s New York Studio (1944-1949) de Harry Holtzman. Dans ces deux films, le mouvement déambulatoire de la caméra participe à la confusion entre le fond et les formes agencées dans l’espace. Dès lors, la fusion entre les sculptures et leurs vitrines, les peintures avec les murs qui les soutiennent, figurent les principes de l’art moderne dont, comme le remarque Yve-Alain Bois dans Painting as Model: « le désir d’intégrer peinture et architecture, d’établir une coïncidence parfaite entre les éléments fondamentaux de la peinture (les plans colorés) et ceux de l’architecture (le mur), a mené à une découverte architecturale majeure : les murs, le sol, le plafond sont des surfaces sans épaisseur, peuvent être multipliés ou dépliés comme des écrans et peuvent glisser les uns par-dessus les autres dans l’espace. » C’est ainsi que par une remise en mouvement des notions et stratégies ayant contribuées à définir l’art moderne, les films s’autonomisent autant qu’ils synthétisent les œuvres qu’ils montrent. En ce sens, il ne s’agit pas de films sur des expositions d’art moderne, mais de l’exposition, par les moyens du film, des propriétés même de l’art moderne.
Séance proposée par Lydie Delahaye
Storm de Hirsh, Malevich at Guggenheim, 1965, super 8mm (transféré sur 16mm), coul, sil, 5’45
David Sylvester, Henry Moore at the Tate, 1970, 16mm, coul, sil, 15’
Harry Holtzman, An Impression of Piet Mondrian’s New York Studio and his last Painting, Victory Boogie Boogie, 1944-1949, 35mm (transféré sur BETA Num), coul, son, 6’
Runa Islam, Empty the Pond to Get the Fish, 2008, 35mm, coul, son, 12’
Remerciements: Runa Islam, White Cube Gallery (London), Bibliothèque Kandinsky, Film-Makers’ Coop (New York)
When
2pm - 3:15pm