L'artiste et son œuvre
Niki de Saint Phalle
Le travail protéiforme et pluridisciplinaire de Niki de Saint Phalle comprend à la fois des peintures, des assemblages, des sculptures, des performances, des ouvrages publics, des projets architecturaux, des films et des pièces de théâtre. D’un format intimiste aux formes monumentales, son œuvre en grande partie autobiographique et féministe s’impose aussi par son engagement dans la lutte contre le racisme et les discours homophobes. La radicalité des choix artistiques de Niki de Saint Phalle sera toujours tempérée par son humour et son imagination débordante. Seule femme du groupe des Nouveaux Réalistes, proche des mouvements néo dada et pop aux États-Unis, elle atteint assez vite une grande notoriété pour devenir l’une des artistes les plus populaires du 20e siècle.
Niki de Saint Phalle nait à Neuilly-sur-Seine en 1930, au sein d’une famille franco-américaine d’aristocrates, et grandit entre les châteaux familiaux français et le New-York bourgeois. Excédée par un climat familial conflictuel, elle quitte très jeune sa famille et épouse l’écrivain Harry Mathews, avec qui elle s’installe en France en 1952. L’année suivante, elle sombre dans une grave dépression et découvre le pouvoir salutaire de la pratique artistique.
Dès la fin des années 1950, Saint Phalle commence à assembler des objets sur la surface de ses tableaux, rejoignant en cela la pratique des Nouveaux Réalistes et du néo dada. À la même époque, elle fait la connaissance d’artistes comme Constantin Brancusi, Eva Aeppli et Jean Tinguely qui partagera sa vie quelques années plus tard. En 1960, elle se sépare de son mari pour se consacrer entièrement à son art.
En 1961, Saint Phalle crée ses premiers Tirs. Avec la participation du public, elle tire à la carabine sur des sacs de peinture et objets divers fixés à un support, recouverts de plâtre et de peinture blanche. La violence destructrice devient ainsi génératrice de l’œuvre.
Parallèlement, Saint Phalle développe une pratique sculpturale dont la femme est le sujet central, représentant Mariées, Accouchements, Prostituées, Déesses et Sorcières comme autant d’archétypes des rôles assignés aux femmes. Elle crée ensuite ses premières Nanas, femmes aux courbes généreuses qu’elle décline en de multiples variantes. Elles sont d’abord construites en papier mâché et en tissu, comme Crucifixion, puis en polyester peint, technique qui permet une polychromie plus éclatante.
En 1966, son œuvre devient monumentale. Elle crée Hon ( « elle » en suédois ) pour le Moderna Museet de Stockholm : une Nana de 28 mètres de long dont les jambes écartées accueillent le visiteur par le vagin. À l’intérieur, plusieurs salles abritent des œuvres de Per Olof Ultvedt et de Jean Tinguely.
De 1978 à 1998, elle se consacre à la réalisation en Toscane (Italie) de son chef-d’œuvre, le Jardin des Tarots. Ce projet titanesque, constitué de 22 sculptures, est pour l’artiste « un dialogue entre sculpture et nature, un lieu où rêver, un jardin de joie et d’imagination ».
Parallèlement à ce chantier, elle essaime dans le monde entier des œuvres monumentales dans l’espace public, dont la Fontaine Stravinsky à Paris (1983) et la Fontaine de Château-Chinon (1988), réalisées avec Jean Tinguely, ou l’Arbre aux Serpents à Angers (1992). Fin 1993, Niki de Saint Phalle quitte Paris pour la Californie pour soulager ses affections pulmonaires causées par l’utilisation de résines et de polyester. En 1994, elle publie Mon secret, une lettre destinée à sa fille, dans laquelle elle révèle l’inceste vécu à l’âge de 11 ans et qui éclaire d’une nouvelle lumière son œuvre. En 1998, elle crée la série Black Heroes, où sont représentées des figures de la culture africaine-américaine.
Niki de Saint Phalle s’éteint à San Diego en 2002 avant d’achever le Queen Califias’s Magic Circle, parc de sculptures qui ouvre à titre posthume l’année suivante.