Olga Rozanova
1886, Vladimir (Russie) – 1918, Moscou (Russie)
Pionnière de l'art abstrait
Dans Composition sans objet, peint vers 1916, Olga Rozanova explore radicalement la luminosité des aplats de couleurs vives portés à la surface de la toile, elle-même barrée par une bande noire. Trois rectangles rouges de différentes largeurs se détachent sur un fond jaune orangé laissant une fine bande en haut et en bas du tableau. Ce qui donne cet effet de flottement dans l’espace propre au suprématisme même si la bande horizontale traverse la surface de la toile de gauche à droite. Deux parties s’opposent autour d’une ligne de flottaison.
Depuis ses débuts cubo-futuristes, la couleur occupe une place majeure et structurelle dans l’œuvre de Rozanova. Cet intérêt pour l'étude de la couleur, doublé d'un goût pour les formes simples, l’orientent vers l’abstraction.
L’année 1916 est une année particulièrement active pour l’artiste. Elle commence une série de livres illustrés en collaboration avec son compagnon le poète Alexeï Kroutchenykh, inventeur du « zaoum » : un style de poésie futuriste basé sur l’illustration phonique du texte grâce à des collages suprématistes et des dessins cubo-futuristes.
En 1917, elle expose sa théorie de la peinture dans un essai « Cubisme, Futurisme, Suprématisme », pour la revue non publiée de Kasimir Malévitch, Supremus, et se démarque de celui-ci par le rôle central attribué à la couleur plus qu’à la matière picturale.
Cette œuvre ainsi que la célèbre Raie Verte de 1917 ont été perçues par les historiens de l’art comme anticipant les peintures de Mark Rothko et de Barnett Newman.
Biographie
Olga Rozanova est née en 1886 à Vladimir dans la région de Moscou, dans une famille noble mais modeste. Elle se forme à Moscou, entre 1907 et 1910, auprès du peintre symboliste et paysagiste Konstantine Iouon. À 29 ans, elle s’installe à Saint-Pétersbourg où elle s’engage activement dans l’association artistique de l’Union de la Jeunesse, ce qui lui permet d’exposer ses œuvres et de rencontrer le milieu des avant-gardes. Elle contribue activement au mouvement futuriste russe en participant aux événements du groupe Valet de carreau et aux célèbres expositions « Tramway V » et « O.10 » qui firent scandale à Moscou en 1915, ainsi qu’à l’exposition internationale futuriste de Rome en 1914, invitée par le fondateur du groupe italien Tommaso Marinetti.
Olga Rozanona est la seule artiste à fonder son propre courant moderniste autour d’une théorie de la couleur (Tsvetopis).
Peintre, Olga Rozanova est aussi théoricienne. Dans un article de 1913, « Les bases de la création nouvelle et les raisons de son incompréhension », elle revendique la réalité indépendante du tableau, rejette l’imitation et la répétition. Tout en décortiquant finiment les fondements de l’art moderne, elle défend l’intuition et l’individualité dans l’acte créatif, et souligne l’importance de l’éducation du public. C’est la grande époque des manifestes entre 1912 et 1913, du futurisme, du cubisme, du rayonnisme. Elle fréquente assidûment les milieux intellectuels et parvient à imposer son style. Sa rencontre avec le poète Alexeï Kroutchenykh est déterminante pour sa collaboration avec Malévitch et Popova au suprématisme entre 1917 et 1918.
Engagée pendant la révolution bolchévique pour la réorganisation de l’art, Olga Rozanonva parcourt avec d’autres artistes les villes de province de Russie avant de décéder en 1918 d’une diphtérie à l’âge de 32 ans.
Pour aller plus loin
À lire dans Le Magazine du Centre Pompidou :
Les amazones de l'avant-garde russe, par Elitza Dulguerova
article paru dans le cadre de l'exposition « Elles font l'abstraction »,
Centre Pompidou, 19 mai-31 août 2021