Soulages, l’œuvre au noir
Dès la fin de l’année 1946, Soulages rompt définitivement avec la représentation figurative, tout en remettant en cause l’abstraction historique comme celle de Malévitch ou de Mondrian. Soulages choisit très jeune la couleur qui porte en elle toutes les autres : le noir. Il y reste très attaché, si bien qu’elle participe de son identité artistique. Majeure dans son art, elle se décline, selon les outils avec lesquels elle est appliquée, en surfaces lisses ou accidentées, qui révèlent une lumière multiple et insoupçonnée. Fort de son attachement à l’art des origines et à l’art roman, Soulages élabore sa création en dehors de tout groupe stylistique, selon une démarche solitaire et libre. Ses très nombreuses expositions et publications, dont les multiples entretiens, témoignent d’une œuvre forgée dans la fidélité tout en restant ouverte à l’inattendu.
J’aime l’autorité du noir. C’est une couleur qui ne transige pas. Une couleur violente mais qui incite pourtant à l’intériorisation. À la fois couleur et non-couleur. Quand la lumière s’y reflète, il la transforme, la transmute. Il ouvre un champ mental qui lui est propre.Pierre Soulages
L’histoire de l’artiste et du Centre Pompidou s’écrit depuis 1952, date de l’entrée de la première œuvre dans les collections suite à un achat de l’État à l’initiative de Jean Cassou en 1951. Vingt-cinq œuvres (datées de 1948 à 2002) sont conservées au Musée national d’art moderne et régulièrement exposées dans nos salles : dix entrées par achat et quinze par dons, dont cinq de l’artiste, deux de Bernard Gheerbrant, une de la Société des amis du Centre Pompidou (eau-forte en deux exemplaires) et sept œuvres (cinq peintures et deux œuvres graphiques ici présentées) léguées en 2018 par Pierrette Bloch, peintre et amie de Soulages depuis 1949.
En 1967, le Centre Pompidou consacre à l’artiste sa première exposition personnelle dans un musée français. Quelques mois après l’invention d’une « peinture autre », que Soulages nommera en 1996 « outrenoir », le Centre Pompidou organise à l’automne 1979 l’exposition « Soulages, peintures récentes ». Et l’année de ses quatre-vingt-dix ans est marquée par la grande rétrospective au Centre Pompidou présentant plus de cent œuvres de 1946 à 2009, vue par plus de 500 000 visiteurs.
Le musée Soulages à Rodez, inauguré le 30 mai 2014 dans sa ville natale, marque l’apogée de cette aventure artistique, vécue aux côtés de sa femme Colette, la complice la plus fidèle de son œuvre. ◼
Pierre Soulages, Peinture 195 × 130 cm, 2 juin 1953, 1953 (détail)
Huile sur toile, 195 × 130 cm
© Centre Pompidou / photo : Ph. Migeat / Dist. Rmn-Gp / Adagp