César, le centenaire de sa naissance
Le 1er janvier 2021, César aurait eu cent ans ! L’homme nous manque mais l’œuvre demeure et ne cesse de grandir auprès d’un public qui mesure l’importance de sa trajectoire. Peu d’artistes ont connu la gloire de leur vivant. César en a sans doute payé le prix auprès d’un monde de l’art qui sait être cruel et oublier ses engagements. Mais force est bien de constater que l’inventivité de l’artiste, la radicalité de nombre de ses gestes ont marqué l’histoire de la sculpture moderne et contemporaine.
De César, tout un chacun connait ses Fers soudés, ses Compressions, ses Expansions, ses Empreintes et mille et une facettes de cette œuvre qui n’a cessé de se réinventer comme de se remettre en question. Car César doutait et ne se satisfaisait pas de la reconnaissance de certains de ses gestes, au point qu’il remit maintes fois son parcours en question, au point de dérouter.
Épris de techniques diverses, sensible à l’extrême, il n’a cessé, sa vie durant, de se frotter à la logique du matériau, allant du plus traditionnel qui soit au plus en prise avec son temps. Expérimentant sans cesse, il s’est aventuré en pionnier dans des champs inconnus : l’histoire de l’Expansion reste à ce titre à la fois fascinante et mémorable parmi beaucoup d’autres tant elle révèle que César lui-même fut souvent le premier spectateur des œuvres qui naissaient de ses investigations.
Deux rétrospectives – l’une à Marseille en 1993 et l’autre au Centre Pompidou en 2017 – m’ont permis de mesurer au plus près l’inventivité de son art. Austère et jubilatoire, novatrice et ludique à la fois, l’œuvre de César aura métamorphosé et élargi le champ de la pratique sculpturale à des territoires inconnus. Plus, elle lui aura offert de nouveaux paradigmes. On reconnaîtra ici qu’il est rare qu’il en soit ainsi ! ◼
César, artiste radical et inventif
Né à Marseille en 1921, César commence un apprentissage qui le conduit à Paris à l’École nationale supérieure des beaux-arts. À Paris, il croise entre autres, Alberto Giacometti, Germaine Richier, Pablo Picasso et se mêle à la scène artistique d'alors, côtoyant les artistes de Saint-Germain-des-Prés et de Montparnasse. Très tôt, il se fait remarquer par une technique qui lui est propre et lui apporte la célébrité : ce sont les Fers soudés, les figures humaines et autres Vénus ainsi que le bestiaire qu'il invente, peuplé d'insectes et d'animaux de toutes sortes qui l'amènent à sa première exposition personnelle, galerie Lucien Durand en 1954. Bientôt célèbre, son œuvre est exposée de Londres à New York.
L’intelligence du geste
Confrontant sans cesse son œuvre au classicisme et à la modernité, César élabore alors une pratique fondée sur ce que le critique Pierre Restany appellera une opposition continue entre « homo faber » et « homo ludens ». Jouant de l’opposition entre une maîtrise assumée du métier de sculpteur et des gestes novateurs, César stupéfie son public lorsqu’au tournant des années 1960, il réalise ses premières Compressions. Présentées au Salon de Mai de 1960, elles font scandale et inaugurent un cycle aux évolutions nombreuses qui ne s’interrompra qu’avec la mort de l’artiste, en 1998. Les Compressions seront l’un des gestes les plus radicaux de la sculpture du 20e siècle, présentées aussi bien à la documenta de Cassel qu’à la Biennale de Venise, repensées par de nombreux artistes allant de l’Américain Charles Ray, au Français Bertrand Lavier.
L’audace des matériaux
Inventif et guidé par la logique accidentelle du matériau, César s’engage ensuite dans une forme de dialectique en développant des Expansions selon un principe opposé à celui des Compressions. Au métal compressé succèdent le polyuréthane et autres matériaux que l’artiste teinte et polit, leur appliquant son savoir-faire et une méthode propre à la sculpture classique. Après les Fers soudés, les Compressions et les Expansions sont tôt reconnues comme deux moments inauguraux de la sculpture moderne. Les Moulages et les Empreintes humaines, qui ont précédé et initié les Expansions, ajoutent à l’œuvre de César une dimension nouvelle. Déléguant au pantographe l’agrandissement mécanique de son propre pouce à l’occasion d’une exposition autour du thème de la main, César conceptualise un nouvel aspect de sa pratique, variant délibérément les échelles et les matériaux, soucieux d’apporter une méthode jusqu’ici inconnue à l’art de la représentation.
Un artiste de son temps
César, au faîte de la célébrité, devient au tournant des années 1970, l’une des figures emblématiques de l’art de son temps. Associé aux artistes du mouvement du Nouveau Réalisme fédéré depuis 1960 par Pierre Restany, il expose dans le monde entier et réalise en public des expansions éphémères qui sont autant de performances. De Paris à Londres, de São Paolo à Milan, César allie à la permanence de la tradition classique des gestes radicaux et inventifs, souvent spectaculaires et éphémères. Refusant de choisir entre le mot d’ordre des modernes et celui des classiques, il construit ainsi une réflexion originale et sans doute médiane entre l’intensité d’expériences souvent imprévisibles requises par l’art de son temps et la sagesse du temps long que lui offre la pratique patiente et laborieuse de l’assemblage.
Un constant pouvoir d'invention
Les années 1980 voient se développer un nombre important de ses sculptures monumentales. La carrière de César est récompensée : il reçoit le prestigieux Praemium imperiale au Japon et expose dans le monde entier (Milan, Malmö, Mexico, Venise, lors de la Biennale pour laquelle il représente la France...). Après Otto Hahn, Pierre Restany, Daniel Abadie ou Catherine Millet parmi bien d’autres en France, une nouvelle génération de critiques le découvre et met en évidence la singularité de son œuvre et de son propos, révélant un intérêt pour les matériaux les plus contradictoires allant du marbre au chiffon, du fer à la paille, du plastique au papier.
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